L’affaire des vivants, Christian Chavassieux , Phebus, 2014
Ce roman est l’histoire de Charlemagne, aîné d’une famille de paysans pouilleux, destiné par son grand-père à devenir grand. Muni de cette injonction, il le devient, à coups de pojngs et coups de génie, dans cette fin de XIX° siècle, aux environs de Lyon.
Ce roman est un western, les bagarres entre paysans, la conquête de nouveaux territoires pour les usines, la création de héros hors norme Charlemagne, qui frappe, commande, impose sa loi, qui est saisi, partant à la guerre de 70.
C’est un roman historique mais pas une Histoire savante ou didactique, une histoire gourmande et sensuelle, qui se délecte de nous faire voir, toucher, sentir les tissus de la boutique des Feigne, les robes et les coiffures des femmes, les décorations des fusils des hommes, leur gibier, leurs chevaux. Nous suivons les foules des grévistes, la venue de Louise Michel et le tournage du film d’Abel Gance sur la Côte d’Azur avec de vrais poilus comme figurants.
C’est un roman social, qui retrace l’immigration intérieure continue des paysans vers les villes, qui nous fait pénétrer dans les usines de toile cirée, les filatures, l’appartement d’un jeune couple d’ouvriers comme la ferme des parents, et le faux château. Nous suivons, des destinées, entièrement liées aux trajectoires sociales, celle de Charlemagne à qui tout semble réussir, beau mariage, belles entreprises, argent et celle de son petit frère battu à mort, estropié, ouvrier puis veuf .
Mais le destin est trompeur et c’est une autre caractéristique du roman, les êtres y sont opaques. « L’opacité de Charlemagne. Les êtres ne se livrent pas entièrement, bien entendu, nous sommes tous des mystères pour les autres, mais certains, comme le grand, ont cette nature qui décourage l’affection, et l’amitié et repousse l’envie de savoir. Des monolithes impénétrables. » Qui aura le dernier mot, quels morts demanderont des comptes aux vivants ? Louis, devenu régisseur, Amédée, le fils de Charlemagne, homosexuel, Alma, l’épouse soumise, Jeanne, la jolie ouvrière qui lit, ou encore Rosine, la prostituée noire que Charlemagne a aimée au bordel de Mérives et qu’il n’a pas réussi à sauver ?
En attendant, il faut vivre car « La vie est l’affaire des vivants. »
Ce roman en donne envie.