Traveil

travailTraveil

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Je suis all?e voir la maison d?alpage que mon grand-p?re avait construite dans le Val d?Ayas, pendant plusieurs mois, ?avec son fr?re Henri en 1908. Ils avaient transport? des cailloux, taill? des pierres, mont? les murs, achet? ou taill? des portes transport?es sur leur mulet,? mis un linteau sur le dessus de la porte? et ? la fin, ils avaient grav?: ?Louis Henri 1908. Aujourd?hui, la pierre est sur la chemin?e du propri?taire du p?turage.

Et la maison est ?croul?e. Elle s?appelait Traveil.

Je pensais ?tre plus boulevers?e, envahie de tristesse, en fait, je suis juste tranquille et int?ress?e?.

Une grande chambre ? l??tage avec un lit? pour les parents et des paillasses pour les enfants? qui y dormaient deux par deux, en bas, une pi?ce cuisine, ?laiterie, ?fromagerie o? dormait la grand-m?re. ?A c?t?, l??table travers?e par un ru. Un syst?me ing?nieux invent? par les bergers, on d?tourne une source, on la fait traverser l??table et ressortir de l?autre c?t? en purin. ?Ainsi, ?elle arrose les champs en dessous, on appelle ce purin la laque et on dit que les champs sont enlaqu?s, ils sont engraiss?s naturellement.

je ne suis plus nostalgique, je l?ai ?t? tr?s longtemps.? Je suis,? bien-s?r, triste qu?ils n?aient pas eu plus de chance dans ses projets et qu?il soit mort tourment?. Mais la vie qu?il a eue ?tait celle de la plupart des montagnards. Des familles tr?s nombreuses et? pas un bout de champ ? soi, pas une maison, des pi?ces lou?es, tout ? construire, ? la force de ses bras, ? la merci d?une mauvaise saison, d?une maladie des b?tes et effray? et ?merveill?? par tous les enfants qui arrivent. Et en plus, le peu qu?il avait,? il a d? le vendre avant de partir et ?a n?a pas suffi pour r?gler ses dettes.

Et pourtant il avait appel? sa montagnette Traveil.

La nostalgie m?a quitt?e comme un habit de clown triste? ? grands plis et couleurs criardes qui tombe, laissant appara?tre un corps jeune et muscl?. je n?ai plus besoin d?elle, j?aimais sa larme facile, ses chatoiements ?motionnels, sa gamme infinie d??tats d??me int?ressants, ses tristes et beaux po?mes, l? inspiration si litt?raire, qu?elle m?a donn?e longtemps. Je ne veux plus rien lui devoir, lui demander, ni mon ?criture, ni la certitude d?un paradis perdu,? je vais l?-bas en touriste, je ne veux rien refaire, rien avoir ? moi de ce petit boit de terre,? juste un souvenir? ?mu, filial, normal.