Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry,
Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry,
J’ai été impressionnée par la profondeur, l’originalité et la virtuosité de ce nouveau roman de Sophie Divry.
Deux personnages paumés, en recherche d’amour, très attachants nous sont présentés : un inspecteur du travail, Bastien, tenace, courageux, mais décontenancé par le départ de sa femme et ne s’en remettant pas vraiment.
Une jeune journaliste scientifique, Maïa qui cherche l’oubli dans les bras de passage trouvés sur Tinder parce qu’elle a peur d’aimer.
Le personnage féminin, Maïa, se bat avec sa peur d’aimer, la douleur de de la perte de sa mère, le poids de son père veuf à qui elle doit rendre visite et avec les rapaces du monde du journalisme.
Lui, Bastien, doit se battre contre les patrons qui ont une bonne raison de mettre leurs employés en danger et toujours une bonne excuse quand ils ont des accidents du travail. Il se bat contre la justice qui in fine, prend toujours leur parti. Il se bat aussi contre sa dépression réactionnelle après le départ de sa femme et contre un pessimisme existentiel. Il n’a qu’un espoir, une lueur, il est catholique, et la messe le réconforte, et puis il a quelques amis qui le comprennent et le soutiennent indéfectiblement.
Ces deux-là vont vivre des aventures et des épreuves terribles. Ils vont mener chacun leur enquête jusqu’à ce qu’elles se rejoignent et qu’ils se rencontrent. Sophie Divry joue avec les codes du roman d’amour, du roman d’aventures et du thriller scientifique sans pour autant négliger ses personnages.
Lui est appelé sur les lieux d’un accident du travail mortel, une compacteuse a broyé le corps d’un ouvrier descendu à l’intérieur. Cette mort est le début d’une recherche : la police pense qu’il s’agit d’un meurtre, l’inspecteur pense qu’il s’agit d’un accident, car il sait comme les patrons ne respectent jamais ou très mal les règles de sécurité.
Elle se rend au CERN, (Centre européen de recherche nucléaire) pour une enquête journalistique ; elle espère être aidée par sa tante, Victoire, éminente scientifique. Mais sa tante n’est pas dans son état habituel, elle lui raconte une histoire de cristaux qui a mal tourné, en effet, les cristaux sont devenus une drogue surpuissante.
Ensuite, il est difficile de résumer l’ensemble des rebondissements, découvertes, aventures, meurtres qui font de ce roman un thriller passionnant. Mais c’est aussi un tableau passionnant de la société contemporaine, de ces solitudes urbaines, de ces outrances sexuelles, de ses addictions, sexe, alcool et drogue, de son appât du gain. C’est enfin un roman scientifique qui nous fait découvrir le caractère singulier du CERN, de ses recherches, qui nous explique avec autant de clarté et d’intelligence les arcanes du code du travail que celles de la finance ou encore celles de la fusion des cristaux, sans jamais nous ennuyer.
Un détail supplémentaire, pour nous, habitants de la région lyonnaise, c’est amusant de retrouver tous les lieux, les rues, les parcs, les quartiers de Lyon et les paysages du Bugey. J’adore la description du village l’hiver.
Pas d’équerre, Judith Wiart, Editions Louise Bottu, 2023
« Pas d’équerre », une expression de maçon comme titre pour un livre inclassable, carnet de bord, témoignage, poèmes, déclaration d’amour aux élèves, collages de circulaires et d’extraits de manuel, extraits d’atelier d’écriture, scénettes enlevées, drôles, tranches de vie, constat d’échec dans un LEP, avec des élèves en CAP de maçonnerie qui n’ont pas choisi, qui sont là, par hasard, qui attendent… fatigués si fatigués « leur fatigue me mine, leur corps avachis sur la table qui n’est plus une table de travail. » Des élèves dans « des salles aux radiateurs béants, aux trous dans le plafond »
Manque de profs, manque de moyens pour rénover mais de l’argent pour installer les portiques de sécurité et distiller la peur.
Au milieu de ce désastre, l’enseignante tient la barre parce qu’elle s’intéresse à ses élèves, à chacun d’eux, elle aime les faire écrire, faire jaillir leurs mots, comme des talismans contre le malheur.
Et elle aime écrire sur eux, grâce à eux, sur leur monde « pas d’équerre », mais riche d’humanité.
Récits en chantier seizième
Pour la seizième rencontre de Récits en chantier, nous recevrons pour la deuxième fois Nicolas Pineau autour de son recueil encore inédit Le Petit invité. Entre prose et poésie, il y sera question d’attente, de naissance, d’enfance, de dénuement et de perte de souvenirs.
Et surtout de l’amour fou d’un père pour son fils. Et, tout sera dit en simplicité et en émerveillement.
Nicolas sera présenté par Patrick Laupin.
Nous les accueillerons le jeudi 12 octobre à 19 h à la Galerie JL Mandon, 3 rue Vaubecour, Lyon 2°.
Elmone Treppoz, Maryse Vuillermet
La Foudre, Pierric Bailly, POL 2023
La Foudre, Pierrick Bailly, POL 2023
Depuis Polichinelle paru en 2008, Pierric Bailly conduit une œuvre originale et attachante qui, peu à peu, fait de lui un écrivain connu et l’écrivain du Jura, comme Giono l’était de la Provence.
Son dernier roman La Foudre était très attendu, les libraires jurassiens attendaient leur pile de livre parce qu’ils l’aiment et savent que les Jurassiens l’aiment.
Après Le roman de Jim paru en 2021, dont le cadre était également le Haut-Jura et dont héros, un jeune homme vivant de petits boulots, tombe amoureux d’une femme enceinte, s’attache à l’enfant qui naît mais n’est pas le sien, l’élève puis le perd et doit s’en séparer parce que la mère de l’enfant le quitte, voilà encore un personnage masculin tendre, hésitant, fou amoureux et victime.
Le héros et narrateur de La Foudre John, trentenaire est un berger d’estive dans les Monts Jura l’été et il exerce des boulots saisonniers de station de ski l’hiver. D’emblée, on s’attache à cet homme, sa « vie sauvage » nous fascine, ses rencontres avec les lynx, les renards, les chamois, son travail de berger, ses chiens Patou et jusqu’à son caractère un peu rude quand il croise trop de touristes dans ses pâturages nous le rendent familier. Il a une amie, professeur d’anglais, avec qui il s’entend très bien, mais elle rêve d’exotisme, elle veut partir à la Réunion, ils ont le projet d’avoir des enfants, il accepte de la suivre, il dit ne pas être si attaché que cela à son pays natal et il pourra là-bas peut-être monter son propre troupeau. Le décor, hautes Chaines des Monts Jura en balcon sur la plaine de Gex et le lac Léman, les orages, la neige, les forêts de hêtres et d’épicéas, l’hiver très long est posé, nous pensons donc avoir affaire à un roman de nature writing à l’américaine et nous sommes enchantés que ce soit dans le Jura, territoire peu arpenté par les écrivains contemporains.
Mais voilà que notre berger lit un article où il est question de son ami de jeunesse, Alexandre dit Alex, qui est accusé d’un meurtre sauvage, il a tué à coup de planche un jeune homme. John, d’abord incrédule, s’intéresse de plus en plus à cette affaire et, remontent alors en lui tous les souvenirs de sa jeunesse, de sa vie à l’internat de Lons-le-Saunier et de la fascination qui exerçait Alex sur lui et tous ses camarades. Alors il reprend contact avec Nadia, la femme d’Alex, il apprend qu’ils ont deux enfants, ils se voient, il la console et la soutient dans l’attente du procès. En même temps que le récit avance vers le jugement d’Alexandre aux assises de Lyon, les retours en arrière décrivent une relation entre les deux hommes, plus complexe qu’il n’y paraît, John n’était pas que fasciné par Alex, il en était jaloux, maladivement, au point d’imiter son rire, au point de l’agresser devant la bande de copains.
Alex est jugé à Lyon, le récit du procès est très bien mené, beaucoup de suspense, ça me fait penser aux chroniques judicaires d’Emmanuel Carrère, on est vraiment à l’intérieur des têtes des jurés, des juges, des parties civiles, de Nadia et bien entendu, de John, l’observateur passionné.
Alex est condamné à 5 ans de prison et John devient, sans l’avoir voulu, (mais que sait-on vraiment de nos désirs profonds) l’amant de Nadia, il abandonne son projet de la Réunion, quitte son amie et se consacre follement à Nadia.
On se dirige alors peu à peu vers un récit de relation amoureuse passionnée mais le malaise persiste, est-il amoureux de la femme et des enfants d’Alex parce qu’il a été fasciné par lui ? Ou veut-il se lover dans le nid de son ami comme le coucou ? Est-ce une façon de se venger ? Le récit d’une emprise se met en place autant que celui d’une relation amoureuse.
S’y ajoute un conflit également très intéressant sur les problèmes d’écologie liés à l’élevage : Alex est un défenseur passionné des loups, des lynx, de toute vie animale, il est vétérinaire et sauve les animaux, John, lui, élève des bêtes qu’il aime mais qu’il amènera sans problème à l’abattoir, pourtant, il connaît mieux le monde animal que son ami vétérinaire.
Rien n’est tranché, les héros ne sont pas jugés, on est à l’intérieur de leurs contradictions.
J’ai aimé ce roman, je l’ai lu d’une traite, mais je lui trouve aussi des défauts, des défauts attachants, ses longueurs, son intrigue parfois un peu lâche, son style parfois un peu plat, bref j’ai aimé un roman très, très humain.
Della fame al paradiso, traduction italienne de Silvia Nugara et Claudio Panella de mon récit Mémoires d’immigrés valdotains
Nouveau portrait heureux de Nathalie Brunard
Seulement des oiseaux sur un livre, L’harmattan, 2020
Disponible chez votre libraire ou ici :
https://www.cultura.com/seulement-des-oiseaux-sur-un-livre-tea-9782140166006.html
https://livre.fnac.com/a15573796/Maryse-Vuillermet-Seulement-des-oiseaux-sur-un-livre
https://www.decitre.fr/livres/seulement-des-oiseaux-sur-un-livre-9782343218793.html
Une émission de radio autour de 50 bonheurs à portée de main édité chez Chroniques sociales
https://rcf.fr/emission/listing-diffusion/2435433
A la maison de la poésie Transjurassienne, j’ai répondu aux questions de Marion Ciréfice et un groupe de lecteurs de Saute-Frontière a lu des extraits de 50 Bonheurs à portée de main.
L’émission a été diffusée le dimanche 23 sur RCF Jura et est écoutable ci-dessus ou ci-dessous en cliquant sur ces liens.
Une émission de radio DTO sur radio Canut consacrée à mon travail d’écrivaine