Frapper l’épopée, Alice Zeniter, Flammarion, 2024

Une jeune femme, Tass, professeur de français née en Nouvelle-Calédonie, revient s’y installer définitivement et y enseigner.  Elle s’interroge sur sa place, son identité, son avenir, parce qu’elle vient de quitter Thomas son copain français.

 Dans sa classe, elle remarque deux jumeaux Kanach, elle est frappée par leur intelligence et leur calme.  Et un jour, ils disparaissent.

 Parallèlement à la vie de cette jeune professeur Tass, on entre dans la vie d’un groupe très original de trois personnes, deux femmes et un homme qui tentent une nouvelle forme de militantisme indépendantiste « l’empathie violente ». Il s’agit de faire réagir les blancs par petites touches, de leur faire peur.

Tass, alias Alice Zeniter, retrouve dans un accident en pleine forêt, dans un long rêve halluciné, l’histoire de ses ancêtres Kabyles venus là comme bagnards et retrace avec une grande virtuosité toute l’histoire du peuplement de l’île, des bagnards, de leur reconversion en paysans concessionnaires. Là, on comprend mieux ce qu’elle est allée faire là-bas !!!  Elle retrouve les hiérarchies entre les différentes libertés, les différents hommes libres, les blancs, les blancs-blancs, les zoreilles, les asiatiques.  Elle explique l’idéologie colonialiste, qu’elle soit saint-simonienne ou juste capitaliste.  C’est un cours d’histoire magistrale, jamais ennuyeux.  Nous sommes frappés par la violence de la répression.  Au début, les Canaques ont laissé s’installer les blancs et ensuite, quand ils les ont vus agir, ils se sont rebellés et ont été massacrés. J’ai noté, comme chez les Aborigènes, une relation très particulière à leur terre, leur terre est aussi leur nom, le nom de leurs lignées, de leur histoire.

 Mais ce n’est pas un cours d’histoire, c’est un roman plein de péripéties, plein de magie, d’immersion dans la nature, on s’attache aux personnages, aux trois farfelus, aux amis de Tass, aux jumeaux surtout, et à leur tragédie.

 C’est brillant.

 Une réserve cependant, la façon dont est amené le passé des ancêtres de la narratrice, de ses ancêtres kabyles arrivés là comme bagnards parce qu’ils ont lutté contre la France m’a paru un peu légère, l’espèce de long rêve halluciné de la narratrice est plausible dans l’univers kanak, mais un peu facile sur le plan romanesque.

Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry,

Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry,

J’ai été impressionnée par la profondeur, l’originalité et la virtuosité de ce nouveau roman de Sophie Divry.

 Deux personnages paumés, en recherche d’amour, très attachants nous sont présentés :  un inspecteur du travail, Bastien, tenace, courageux, mais décontenancé par le départ de sa femme et ne s’en remettant pas vraiment.

 Une jeune journaliste scientifique, Maïa qui cherche l’oubli dans les bras de passage trouvés sur Tinder parce qu’elle a peur d’aimer.

 Le personnage féminin, Maïa, se bat avec sa peur d’aimer, la douleur de de la perte de sa mère, le poids de son père veuf à qui elle doit rendre visite et avec les rapaces du monde du journalisme.

Lui, Bastien, doit se battre contre les patrons qui ont une bonne raison de mettre leurs employés en danger et toujours une bonne excuse quand ils ont des accidents du travail. Il se bat contre la justice qui in fine, prend toujours leur parti.  Il se bat aussi contre sa dépression réactionnelle après le départ de sa femme et contre un pessimisme existentiel. Il n’a qu’un espoir, une lueur, il est catholique, et la messe le réconforte, et puis il a quelques amis qui le comprennent et le soutiennent indéfectiblement. 

Ces deux-là vont vivre des aventures et des épreuves terribles. Ils vont mener chacun leur enquête jusqu’à ce qu’elles se rejoignent et qu’ils se rencontrent.   Sophie Divry joue avec les codes du roman d’amour, du roman d’aventures et du thriller scientifique sans pour autant négliger ses personnages.

Lui est appelé sur les lieux d’un accident du travail mortel, une compacteuse a broyé le corps d’un ouvrier descendu à l’intérieur.  Cette mort est le début d’une recherche : la police pense qu’il s’agit d’un meurtre, l’inspecteur pense qu’il s’agit d’un accident, car il sait comme les patrons ne respectent jamais ou très mal les règles de sécurité.

 Elle se rend au CERN, (Centre européen de recherche nucléaire) pour une enquête journalistique ; elle espère être aidée par sa tante, Victoire, éminente scientifique. Mais sa tante n’est pas dans son état habituel, elle lui raconte une histoire de cristaux qui a mal tourné, en effet, les cristaux sont devenus une drogue surpuissante.

 Ensuite, il est difficile de résumer l’ensemble des rebondissements, découvertes, aventures, meurtres qui font de ce roman un thriller passionnant. Mais c’est aussi un tableau passionnant de la société contemporaine, de ces solitudes urbaines, de ces outrances sexuelles, de ses addictions, sexe, alcool et drogue, de son appât du gain. C’est enfin un roman scientifique qui nous fait découvrir le caractère singulier du CERN, de ses recherches, qui nous explique avec autant de clarté et d’intelligence les arcanes du code du travail que celles de la finance ou encore celles de la fusion des cristaux, sans jamais nous ennuyer.

Un détail supplémentaire, pour nous, habitants de la région lyonnaise, c’est amusant de retrouver tous les lieux, les rues, les parcs, les quartiers de Lyon et les paysages du Bugey. J’adore la description du village l’hiver.

Pas d’équerre, Judith Wiart, Editions Louise Bottu, 2023

« Pas d’équerre », une expression de maçon comme titre pour  un livre inclassable, carnet de bord, témoignage, poèmes, déclaration d’amour aux élèves, collages de circulaires et  d’extraits de manuel, extraits d’atelier d’écriture, scénettes enlevées,  drôles, tranches de vie,  constat d’échec dans un LEP,  avec des élèves en CAP de maçonnerie qui n’ont pas choisi, qui sont là, par hasard, qui attendent… fatigués si fatigués « leur fatigue me mine, leur corps avachis sur la table qui n’est plus une table de travail. »   Des élèves dans « des salles aux radiateurs béants, aux trous dans le plafond »

 Manque de profs, manque de moyens pour rénover mais de l’argent pour installer les portiques de sécurité et distiller la peur.

 Au milieu de ce désastre, l’enseignante tient la barre parce qu’elle s’intéresse à ses élèves, à chacun d’eux, elle aime les faire écrire, faire jaillir leurs mots, comme des talismans contre le malheur.

Et elle aime écrire sur eux, grâce à eux, sur leur monde « pas d’équerre », mais riche d’humanité. 

Récits en chantier seizième

Pour la seizième rencontre de Récits en chantier, nous recevrons pour la deuxième fois Nicolas Pineau autour de son recueil encore inédit Le Petit invité. Entre prose et poésie, il y sera question d’attente, de naissance, d’enfance, de dénuement et de perte de souvenirs.

Et surtout de l’amour fou d’un père pour son fils. Et, tout sera dit en simplicité et en émerveillement.

Nicolas sera présenté par Patrick Laupin.

Nous les accueillerons le jeudi 12 octobre à 19 h à la Galerie JL Mandon, 3 rue Vaubecour, Lyon 2°.

Elmone Treppoz, Maryse  Vuillermet

La Foudre, Pierric Bailly, POL 2023

La Foudre, Pierrick Bailly, POL 2023

 

Depuis Polichinelle paru en 2008, Pierric Bailly conduit une œuvre originale et attachante qui, peu à peu, fait de lui un écrivain connu et l’écrivain du Jura, comme Giono l’était de la Provence.

Son dernier roman La Foudre était très attendu, les libraires jurassiens attendaient leur pile de livre parce qu’ils l’aiment et savent que les Jurassiens l’aiment.

 

Après Le roman de Jim paru en 2021, dont le cadre était également le Haut-Jura et dont héros, un jeune homme vivant de petits boulots, tombe amoureux d’une femme enceinte, s’attache à l’enfant qui naît mais n’est pas le sien, l’élève puis le perd et doit s’en séparer parce que la mère de l’enfant le quitte, voilà encore un personnage masculin tendre, hésitant, fou amoureux et victime.

Le héros et narrateur de La Foudre John, trentenaire est un berger d’estive dans les Monts Jura l’été et il exerce des boulots saisonniers de station de ski l’hiver.  D’emblée, on s’attache à cet homme, sa « vie sauvage » nous fascine, ses rencontres avec les lynx, les renards, les chamois, son travail de berger, ses chiens Patou et jusqu’à son caractère un peu rude quand il croise trop de touristes dans ses pâturages nous le rendent familier. Il a une amie, professeur d’anglais, avec qui il s’entend très bien, mais elle rêve d’exotisme, elle veut partir à la Réunion, ils ont le projet d’avoir des enfants, il accepte de la suivre, il dit ne pas être si attaché que cela à son pays natal et il pourra là-bas peut-être monter son propre troupeau.  Le décor, hautes Chaines des Monts Jura en balcon sur la plaine de Gex et le lac Léman, les orages, la neige, les forêts de hêtres et d’épicéas, l’hiver très long est posé, nous pensons donc avoir affaire à un roman de nature writing à l’américaine et nous sommes enchantés que ce soit dans le Jura, territoire peu arpenté par les écrivains contemporains.

Mais voilà que notre berger lit un article où il est question de son ami de jeunesse, Alexandre dit Alex, qui est accusé d’un meurtre sauvage, il a tué à coup de planche un jeune homme.  John, d’abord incrédule, s’intéresse de plus en plus à cette affaire et, remontent alors en lui tous les souvenirs de sa jeunesse, de sa vie à l’internat de Lons-le-Saunier et de la fascination qui exerçait Alex sur lui et tous ses camarades.  Alors il reprend contact avec Nadia, la femme d’Alex, il apprend qu’ils ont deux enfants, ils se voient, il la console et la soutient dans l’attente du procès.  En même temps que le récit avance vers le jugement d’Alexandre aux assises de Lyon, les retours en arrière décrivent une relation entre les deux hommes, plus complexe qu’il n’y paraît, John n’était pas que fasciné par Alex, il en était jaloux, maladivement, au point d’imiter son rire, au point de l’agresser devant la bande de copains.

Alex est jugé à Lyon, le récit du procès est très bien mené, beaucoup de suspense, ça me fait penser aux chroniques judicaires d’Emmanuel Carrère, on est vraiment à l’intérieur des têtes des jurés, des juges, des parties civiles, de Nadia et bien entendu, de John, l’observateur passionné.

Alex est condamné à 5 ans de prison et John devient, sans l’avoir voulu, (mais que sait-on vraiment de nos désirs profonds) l’amant de Nadia, il abandonne son projet de la Réunion, quitte son amie et se consacre follement à Nadia.

On se dirige alors peu à peu vers un récit de relation amoureuse passionnée mais le malaise persiste, est-il amoureux de la femme et des enfants d’Alex parce qu’il a été fasciné par lui ? Ou veut-il se lover dans le nid de son ami comme le coucou ?  Est-ce une façon de se venger ?  Le récit d’une emprise se met en place autant que celui d’une relation amoureuse.

S’y ajoute un conflit également très intéressant sur les problèmes d’écologie liés à l’élevage : Alex est un défenseur passionné des loups, des lynx, de toute vie animale, il est vétérinaire et sauve les animaux, John, lui, élève des bêtes qu’il aime mais qu’il amènera sans problème à l’abattoir, pourtant, il connaît mieux le monde animal que son ami vétérinaire.

 

Rien n’est tranché, les héros ne sont pas jugés, on est à l’intérieur de leurs contradictions.

 

J’ai aimé ce roman, je l’ai lu d’une traite, mais je lui trouve aussi des défauts, des défauts attachants, ses longueurs, son intrigue parfois un peu lâche, son style parfois un peu plat, bref j’ai aimé un roman très, très humain.

 

Della fame al paradiso, traduction italienne de Silvia Nugara et Claudio Panella de mon récit Mémoires d’immigrés valdotains

La traduction de mon récit Mémoires d’immigrés valdotains paru en 2002 vient de sortir en italien, grâce à Claudio Pannella et Silvia Nugara, chez l’éditeur Fusta, qu’ils en soient remerciés tous les trois.
« Richard, mon père, est mort en 2012, Michel, mon oncle, en 2018, et Santine, ma très chère tante, en 2020, à l’âge de 99 ans.
On a placé une pierre de la montagnette Traveil à côté de l’urne des cendres de Richard. Raimondo a apporté un petit sac de la terre de Mascogne qu’il a répandue sur les cercueils de Santine, Michel et de leurs deux parents.
Ainsi, ils ne sont pas revenus vivre là-haut mais un petit bout de leur terre est venu jusqu’à eux.
Et grâce à ces gestes d’amour, et surtout grâce aux deux versions de leur récit, la Française, publiée en 2002, puis l’Italienne, en 2022, ils sont là, pour toujours, entre ces pages, au Paradis des immigrés. »

Seulement des oiseaux sur un livre, L’harmattan, 2020

Je raconte l’histoire d’un livre très rare et très cher, trouvé par une bouquiniste très pauvre. et comment ça va changer sa vie et celle de la petite communauté qui gravite autour d’elle. Je raconte les monts du Lyonnais, une boulangère, et trois amis écrivains, leurs espoirs, leurs jalousies et leurs combats.

 

Disponible chez votre libraire ou ici :

https://www.cultura.com/seulement-des-oiseaux-sur-un-livre-tea-9782140166006.html

https://livre.fnac.com/a15573796/Maryse-Vuillermet-Seulement-des-oiseaux-sur-un-livre

https://www.decitre.fr/livres/seulement-des-oiseaux-sur-un-livre-9782343218793.html

 

 

 

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Une émission de radio autour de 50 bonheurs à portée de main édité chez Chroniques sociales

https://rcf.fr/emission/listing-diffusion/2435433

A la maison de la poésie Transjurassienne, j’ai répondu aux questions de Marion Ciréfice et un groupe de lecteurs de Saute-Frontière a lu des extraits de 50 Bonheurs à portée de main.

L’émission a été diffusée le dimanche 23 sur RCF Jura et est écoutable ci-dessus ou ci-dessous en cliquant sur ces liens.

 

 

 

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