Une jeune femme, Tass, professeur de français née en Nouvelle-Calédonie, revient s’y installer définitivement et y enseigner. Elle s’interroge sur sa place, son identité, son avenir, parce qu’elle vient de quitter Thomas son copain français.
Dans sa classe, elle remarque deux jumeaux Kanach, elle est frappée par leur intelligence et leur calme. Et un jour, ils disparaissent.
Parallèlement à la vie de cette jeune professeur Tass, on entre dans la vie d’un groupe très original de trois personnes, deux femmes et un homme qui tentent une nouvelle forme de militantisme indépendantiste « l’empathie violente ». Il s’agit de faire réagir les blancs par petites touches, de leur faire peur.
Tass, alias Alice Zeniter, retrouve dans un accident en pleine forêt, dans un long rêve halluciné, l’histoire de ses ancêtres Kabyles venus là comme bagnards et retrace avec une grande virtuosité toute l’histoire du peuplement de l’île, des bagnards, de leur reconversion en paysans concessionnaires. Là, on comprend mieux ce qu’elle est allée faire là-bas !!! Elle retrouve les hiérarchies entre les différentes libertés, les différents hommes libres, les blancs, les blancs-blancs, les zoreilles, les asiatiques. Elle explique l’idéologie colonialiste, qu’elle soit saint-simonienne ou juste capitaliste. C’est un cours d’histoire magistrale, jamais ennuyeux. Nous sommes frappés par la violence de la répression. Au début, les Canaques ont laissé s’installer les blancs et ensuite, quand ils les ont vus agir, ils se sont rebellés et ont été massacrés. J’ai noté, comme chez les Aborigènes, une relation très particulière à leur terre, leur terre est aussi leur nom, le nom de leurs lignées, de leur histoire.
Mais ce n’est pas un cours d’histoire, c’est un roman plein de péripéties, plein de magie, d’immersion dans la nature, on s’attache aux personnages, aux trois farfelus, aux amis de Tass, aux jumeaux surtout, et à leur tragédie.
C’est brillant.
Une réserve cependant, la façon dont est amené le passé des ancêtres de la narratrice, de ses ancêtres kabyles arrivés là comme bagnards parce qu’ils ont lutté contre la France m’a paru un peu légère, l’espèce de long rêve halluciné de la narratrice est plausible dans l’univers kanak, mais un peu facile sur le plan romanesque.