Pérégrinations 2008
Nous marchons dans les couleurs au bord du lac d’ IIlay, les couleurs sont partout autour de nous jusqu’en haut du pic de l’Aigle , jusqu’au fond des lacs, leur reflet vibre.
Et, dans cette marche, les poètes parlent et de la poésie toute chaude sort de leur bouche.
Joël Bastard: les oiseaux ne chantent pas, ils parlent, qu’est-ce qu’ils disent? Les glaces des lacs non plus ne chantent pas, ?nous de trouver ce qu’elles disent.
A Clairvaux-les-Lacs, dans l’HLM de la mairie, les horreurs de la banlieue parisienne sont venues me retrouver, quand j’ai fermé le store enrouleur, elles m’ont sauté au visage et elles criaient dans la nuit.
Moi, je repense à ma résidence en 2005, on croit trouver un territoire autre et on se trouve violemment soi-même, on rentre de force dans son territoire mental, on est dans la solitude de l’écrivain. Comment parle ?e paysage à l’écrivain enclos en son sein? L’écrivain guette les bruits et les mots de ce territoire-là, de ce monde-là et, dans son guet, dans sa vacuité, c’est son enfance palpitante qui remonte et l’appelle, ses paroles d’enfance, ses paysages d’enfance.
Et là, sur le chemin du belvédère, ?c’est la voix de Caroline Sagot-Duvoroux qui parle en poésie.
Le poème, c’est une enfance toujours. Et moi,?les pieds dans la boue glaiseuse, je suis une petite bête vaillante. Les morceaux de texte laissés dans la forêt sont des pelures de pensées, protégés par les racines des arbres comme les mots sont protégés par leurs racines, le texte s’est momifié.
Le nom se vend, on signe du concept, ici, c’est l’inverse, le nom est rendu au commun, dans le cahier du monde. Il n’y a pas de participe futur en français sauf un, l’aventure, l’ailleurs devient ici.
Et quand Marion la presse de dire son texte qui serait la conclusion de cette aventure, elle se défend l’écrivain, avec ses armes de mots, elle dit:
L?aventure n’est pas terminée, rien n’achève, le verbe tragique d’exister signifie se déplacer, sortir de. Je ne peux pas conclure l’affaire d’ailleurs et de demain.
Et moi, je dis Marion veut que le texte soit dit, C’est comme au yoga tu veux que le mouvement soit abouti. Et je dis à Joël qui, rêveur,?fouisse la terre avec sa cane, Tu cherches la morille d’or?
Ainsi vont les pérégrins échangeant des grains de mots, des graines d’aventures et on ne?veut pas que ça s’arrête. Rien n’achève.
Maryse Vuillermet