La fiancée des oiseaux

9782070132218La fiancée des oiseaux, Gallimard, 2011

René Frégni

J’ ai acheté aux Quais du Polar à  Lyon le dernier texte de René Frégni parce que j’aime l’écrivain et l’homme. Deux fois, par le plus grand des hasards que je lui parle, une fois à Salon de Provence et cette fois, à Lyon. Et je suis encore cette fois touchée par son humanité et sa simplicité,et nous parlons d’écritures. Il me dit à peu près ceci: J’ai trouvé ma voix, la plus juste pour moi. Giono a dit que Shakespeare est le plus grand écrivain provençal, quand un écrivain parle de l’homme, il parle de tous.

La fiancée des oiseaux raconte un an de vie d’un écrivain qui n’en fréquente pas. Sa fille est partie, il s’occupe de Lili, un vieillard retombé en enfance, il aime la fille de Lili, institutrice  de maternelle, il travaille dans les champs, se promène, aide un ancien détenu  à écrire, se promène, regarde ses jeunes voisins vivre, va boire un café, lit beaucoup, se promène, va très  rarement voir un ami peintre.

Il n’ y a rien que la couleur des collines, des ciels, des vignes, la récolte des olives, et la tristesse d’avoir laissé partir sa fille. Et pourtant, ces fragments nous donnent furieusement envie de lire, de marcher dans les collines, de nous occuper des vieux, de regarder le soir tomber, de ne plus avoir peur de nos insomnies ni des départs de nos enfants. Ce texte nous réconcilie avec nos angoisses, nos solitudes, nous donne envie d’aimer mieux.

Il dit simplement et c’est déchirant:

On vit dix-huit ans avec son enfant, sa fille, un beau jour, elle s’en va. Pendant dix-huit ans, on partage tout, on se baigne dans des criques, dans des lacs, on pèche, on se cache dans les arbres, on se déguise, on va au cinéma, on invente des histoires de sorcières, de princesses, de loups et brusquement, c’est fini. Cette vie s’arrête et votre enfant, cette jeune fille part vivre une autre vie, sa vie, qui n’aura rien à voir avec tout ce que vous avez vécu et partagé chaque jour jusque là. L’appartement n’a pas changé autour de vous, sa chambre d’enfant, Juliette son ours, les vêtements qu’elle a laissés dans les tiroirs de sa commode. Pour elle une autre vie commence, et on se dit que c’est normal, c?’st ainsi depuis la nuit des temps, et rien ne vous paraît plus anormal, plus absurde, plus brutal.  p 160, 161.

Et on pense qu’on aurait dû dire aussi en écriture combien c’est cruel et déchirant de laisser partir, mieux, d’encourager à partir, avec le sourire, ses deux filles la même année. Et on se dit qu’il n’y a que l’écriture pour accueillir nos plus grands cris muets.