Mai 1968 à Saint-Claude, Jura, quand on a treize ans.
Les grands du lycée, nos Dieux vivants réunis dans la cour et créant des commissions; vous, les petits vous êtes la commission des sports. Qu’est-ce qu’on doit faire?
Nous nous ennuyons sur le kiosque du jardin public, il me semble bien que les rands nous ont donné un sujet un peu bateau, nous ne savons pas quoi demander.
Le Lavenne est parti à Paris, il est revenu avec un bras cassé, dans la rue du Pré, en tête de nos manifs, on le voit bien. Première fois que j’entends vibrer le mot manif!
Mon père est furieux, nous les coopérateurs pourquoi on ferait grève puisqu’on est nos propres patrons, on va perdre un mois de salaire pour rien.
Découverte des bars où on va juste pour parler sans avoir soif, la peur au ventre que nos mères nous voient
Michel Prost un meneur est renvoyé du lycée, on dit qu’il paye pour les autres.
Il fait beau, le soleil est très chaud.
Je nous vois toujours dans le parc du Truchet près du kiosque à musique.
Les étudiants sont revenus de Besançon et nous expliquent la révolution là-bas, ils veulent nous cordonner. Encore un nouveau mot!
Mon père toujours furieux, c’est nous les ouvriers qui allons payer!
Je ne comprends rien, mais je sens qu’il y a des choses à comprendre!
Quand je rentre de la ville tout excitée, je trouve ma mère et les tâches ménagères qui m’attendent comme si rien ne se passait, j’ai du mal à m’y mettre.
Après, on n’aura plus jamais les blouses roses une semaine et bleues l’autre