j’ai une ?criture calcaire

J?ai une ?criture calcaire, c?est plat longtemps, c?est un r?cit de vie ordinaire dit avec des mots de tous les jours, un r?cit de couches successives qui font patiemment le grain de la vie, le d?roul? apparemment calme d?un destin et soudain, une faille, un gouffre, une g?sine, une l?sine et je dois y aller.

Ce relief tout en courbes, plis doux, moutonnement de vagues, tables soudain devient cassures, ruptures et moi, je guette ce rebord et je vais fr?lant l?ab?me et l?abrupt, et puis, je descends au fond de la faille, je d?gage les feuilles mortes entass?es par de nombreux automnes, sous l?humus d?j? reform?, parfois, un squelette, un animal sauvage pris au pi?ge, un renard de bonne race, un chien groenlandais, un veau m?me, tous tomb?s, mutil?s, oubli?s, ensevelis par le temps, comme une vieille histoire, un bout de m?moire, une phrase tr?s ancienne, tronqu?e, d?form?e, et ma qu?te les surprend, les d?gage, les retrouve, et voil? une petite v?rit? surgie sous mes questions, nue devant moi, tremblante dans la lumi?re du jour. Parfois je referme, je recouvre et parfois je prends, je tourne dans le soleil, je nettoie d?licatement , je d?cape et je transmue dans l??criture.

Montagne calcaire, montagne verte et mouill?e dont les immensit?s de p?turages nourrissent des centaines de vaches sans une goutte d?eau dans son sol. L?eau n?est pas retenue par le calcaire, le sol est un gruy?re, fait de trous et de galeries, l?eau descend, se perd. Pays vert sans eau, for?t et d?sert en m?me temps. Les chalets d?estive et les maisons ont des citernes, les eaux de pluie ruissellent de l?immense toit et sont recueillies dans un tuyau qui se d?verse dans la citerne. La citerne sous son gros d?me herbeux est r?ceptacle et matrice, elle re?oit l?eau et la fait na?tre, elle est fin et commencement. Elle devient source par la gr?ce d?une pompe et puits alors qu?elle n?est que citerne-r?servoir. Elle rend l?eau ? la maison, eau que le toit de la maison lui a donn?e. Elle abreuve et se remplit, elle boit et est bue, elle est captive et toujours s??coule.

Les histoires des gens de la montagne, sont r?servoirs et sources, r?serves d?exp?rience et de faits que le r?cit, mon r?cit instaure comme hauts faits et sources de mon r?cit, ils sont r?serves et m?abreuvent comme une source, dans un mouvement permanent.