Je suis Bernard Clavel…

Avant-Propos

Ce récit n’a pas pu être publié dans la collection  pour laquelle il était destiné, intitulée Je suis… , la veuve de Bernard Clavel, en refusant la publication. Cette collection, destinée aux jeunes des collèges,  consiste à faire parler  une personnalité,  elle a été créée chez  l’éditeur Jacques André .

J’ai décidé cependant de le mettre sur mon blog,  car je considère que tous mes propos sont étayés par des sources  sûres  et qu’il ne nuit en rien à la réputation de l’auteur, au contraire, il redonne un peu de visibilité à un auteur injustement oublié.

Le voici donc.

Je suis… Bernard Clavel

On a écrit quelques livres sur moi,  mais moi, je n’ai jamais pris la plume pour parler uniquement de ma petite personne, par pudeur peut-être, timidité, cependant, j’ai mis toute ma vie dans mes livres. J’ai toujours pensé qu’un écrivain devait parler de lui à travers ses romans et que sa vie quotidienne n’était pas particulièrement intéressante, pourtant, une fois, une seule fois, pour de jeunes lecteurs, parce qu’on me le demande, je vais essayer avec des mots simples de raconter qui je suis, d’où je viens et ce qui m’a créé.

« Ma patrie, c’est mon enfance.»

Je suis né à Lons-le-Saunier, préfecture du Jura, le 29 mai 1923 dans une maison très simple, entourée d’un grand jardin. Cette maison aujourd’hui a disparu. Je suis né de parents âgés, un père de cinquante ans, une mère de trente-six ans. Mon père avait été boulanger mais avait remis son commerce à mon demi-frère issu d’un premier mariage. Ma mère l’aidait à cultiver le terrain, plus une vigne et un pré. Ils vendaient des légumes, des fleurs, des œufs, des poules, des lapins, c’est eux qui m’ont légué cette habitude, cette addiction, cette malédiction ou cette chance, suivant le point de vue où l’on se place, qu’est le travail obstiné, le labeur quotidien. Moi, toute ma vie, j’écrirai autant d’heures par jour qu’ils en ont passé à pétrir le pain ou cultiver leurs légumes.

 Une des questions que l’on peut se poser mais dont je n’ai pas moi-même la réponse, c’est comment un obscur enfant de petite ville de province, fils de boulanger jardinier et d’une petite femme sans culture est devenu l’écrivain de plus d’une centaine de livres, un des trois écrivains préférés des Français selon un sondage Sofres, a obtenu le prix Goncourt en 68 et a vécu à partir de là, exactement la vie qu’il voulait vivre. Grâce à ce livre, je voudrais vous encourager à aller au bout de vos rêves, à ne jamais lâcher, comme vous dites, mais surtout vous montrer que, plus encore que le talent, c’est le travail, le travail, encore le travail qui permet d’accéder à ce qu’on est. Je sais que ce n’est pas à la mode, que je suis à contre-courant, un peu ringard, dépassé, mais j’ai tout simplement vécu mes rêves grâce à cela, alors la recette doit être bonne, et donc,  faites-en autant.

 Pas de radio, pas de télévision, même pas d’électricité et bien sûr pas de livres dans cette maison, mais un monde d’histoires, de récits, mon père nous racontait ses tournées de boulanger avec le cheval, ses amitiés avec les vignerons du Revermont et les artisans de ces collines et ma mère nous contait des légendes comtoises. C’est ce qui m’a nourri, beaucoup plus que l’école que je n’aimais pas. Le rythme d’une voix claire, la simplicité d’un récit, mais aussi, bien souvent sa savante disposition, sa capacité à nous emmener ailleurs, m’ont bercé et m’ont imprégné. Nous vivions comme des paysans en ville, Lons-le-Saunier, à l’époque, malgré son titre de préfecture, était une ville de campagne. Tout autour, les vignobles du Revermont, les villages de pierres, comme Château-Châlon, les forêts et, dans ces lieux, émanant d’eux, les activités des hommes, les coupeurs de bois, les vignerons, les luthiers, les cultivateurs, les couvreurs, les menuisiers, voilà mes professeurs et, je l’ai compris plus tard, ce sont ces lieux qui formeront mon paysage mental. Je l’ai dit, je n’étais pas bon à l’école, et je n’en suis pas fier, mais je m’intéressais à beaucoup de choses, en particulier, la géographie, l’histoire, et j’étais nul en maths et en orthographe. J’étais passionné de sport, de gymnastique, j’ai pratiqué la boxe et le catch, j’avais accroché dans ma chambre un portrait de Joe Louis et je rêvais de devenir célèbre comme lui, grâce au sport, jamais je n’aurais imaginé que ce serait grâce à l’écriture. De temps en temps, nous allions voir ma tante Léa et mon oncle Albert à Dole, celui qui sera le héros de Lettre à un képi blanc, et du roman Le soleil des morts. Nous allions parfois à Lyon, c’est là que j’ai découvert le Rhône. Ensuite, j’ai lu Le petit chose d’Alphonse Daudet, et j’ai rêvé longtemps sur son arrivée à Lyon avec le perroquet.

Apprenti de la vie

A quatorze ans, je voulais quitter l’école, c’était presque normal dans mon milieu mais ma mère a pleuré pendant des jours, elle avait imaginé un autre avenir pour moi. Mon père qui rêvait de me voir boulanger lui, m’a dit, d’accord, mais tu vas apprendre un métier. Pourquoi choisir le métier de pâtissier ? Mon père était boulanger, j’ai décidé d’apprendre le métier de pâtissier, qui me semblait un peu plus raffiné. Et c’est ma tante Léa de Dole qui m’a trouvé une place chez le pâtissier où elle se servait. Dès le lendemain, j’entrais en apprentissage. Ce furent des années très dures que j’ai racontées dans La maison des autres, le roman le plus autobiographique que j’ai écrit. Un patron cruel, qui insultait, frappait et crachait au visage, un travail éreintant, des heures qu’on ne comptait plus, y compris le dimanche. Certains pensent que j’ai exagéré dans mon roman, mais demandez à ceux qui ont connu l’apprentissage en cuisine ou en restaurant, ils vous diront la même chose. Deux ans d’enfer à peine adoucis par la beauté de la ville de Dole, ses canaux, ses maisons d’éclusiers et l’initiation amoureuse, la première, celle qu’on n’oublie jamais. J’ai raconté le soir de Noël 38, où j’ai passé la soirée à livrer des pâtisseries aux gens qui festoyaient en famille et où je me sentais si seul et si abandonné que j’ai eu la tentation de me jeter dans le Doubs. Heureusement qu’une des familles a eu la gentillesse de m’offrir un grog et de me faire asseoir à la table familiale. Depuis ce Noël horrible, je n’aime  ni les  fêtes de Noël ni les bûches et j’ai toujours une pensée pour les enfants qui travaillent. En même temps, j’aimais le métier, il fait partie de mes racines, et j’ai toujours aimé l’activité manuelle.

Mon père savait tout faire de ses mains, travailler le bois, le fer, la terre, sans m’en rendre compte, à ses côtés, j’ai appris et moi aussi, je sais fabriquer des meubles, couper du bois, cultiver un jardin, tailler la vigne, élever des lapins, des poules, m’occuper de chiens. Tous ces savoir-faire transmis dans mon enfance me paraissent naturels et ce n’est qu’après que j’ai compris qu’ils constituent un bagage souvent négligé et une source de joie. Faire pousser des légumes, connaitre les secrets de la coupe du bois, fabriquer des étagères, utiliser son intelligence pour aménager une maison, voilà des activités qui rendent heureux. Dans mes romans, je prendrai toujours un immense plaisir à décrire avec précision le geste du travailleur, à montrer, à travers l’habileté d’une main, d’un corps, l’expérience, l’intelligence, l’amour du travail bien fait.

Tous mes personnages sont des travailleurs manuels ou de force : batelier, pêcheur à l’aviron, jardinier, pâtissier, paysan, vigneron, acrobate de cirque. Et ils tirent aussi beaucoup d’orgueil de leur métier, où ils excellent ; métiers de savoir-faire longuement appris et transmis, métiers qui demandent de multiples qualités tant intellectuelles que physiques ou humaines. Ainsi, je campe un « boulanger qui faisait le meilleur pain », « le meilleur batelier du Rhône », « le meilleur pirate du Rhône », « un lutteur imbattable »… Le vieux boulanger des Fruits de l’hiver qui refait du pain pendant la débâcle, parce que tous les boulangers sont partis, en tire une de ces dernières joies, la fierté du travail accompli de la meilleure façon. Je me plais à ces longues descriptions des gestes, des odeurs, des couleurs… Et ce qui me différencie de bien des romanciers du travail, c’est que le travailleur chez moi n’est pas abruti, aliéné, dépossédé de son identité, nié, il n’est pas « victimisé », il est au contraire reconnu et valorisé par son travail auprès de ses pairs et de ses supérieurs. Et si des forces sociales supérieures le lui prennent ou le dénaturent, il ira jusqu’au bout pour le défendre. Si l’on méprise son savoir-faire, il le fera payer très cher. L’amour du travail est une valeur morale. Bien souvent mes personnages méprisent les paresseux, les incapables, les mauvais ouvriers. J’ose décrire le travail manuel, j’emploie le vocabulaire technique des métiers, je transmets une connaissance précise des milieux décrits et je place au centre de mon œuvre le travailleur, son métier et l’orgueil de son métier. Nous sommes loin d’une littérature qui identifie l’usine au bagne et l’ouvrier au maudit. Je me situe dans la lignée de Maurice Navel ou de Pierre Hamp qui écrivait en 1929 dans Mes métiers sur ses rudes années d’apprentissage dans les caves des pâtisseries : «La pure grandeur de l’homme revient toujours à bien faire son métier.»[1]

Et puis, je n’ai jamais été un intellectuel pur, dans mon adolescence, je peignais, je voulais devenir peintre et faire les Beaux-arts, ce que mon père a refusé, et je lisais mais j’admirais et j’admire toujours la force physique, j’étais fasciné par les lutteurs, les gros bras, les costauds. Dans plusieurs de mes romans, j’exalte la puissance des hommes qui vivent de leurs muscles dans L’Hercule sur la place, les lutteurs de places publiques, dans Pirates du Rhône, les mariniers qui conduisaient les péniches à la force de leurs bras, dans Meurtre sur le Grandvaux, les rouliers qui menaient les immenses attelages de bœufs à travers toute l’Europe. Beaucoup de mes personnages présentent des physiques hors norme, soit petits et râblais, tout en muscles, comme L’hercule sur la place, ou L’Espagnol, soit immenses, comme Philibert Merlin et son fils, ou encore comme Brassac de Qui m’emporte. Je n’y peux rien, je les vois ainsi, mon imaginaire est peuplé de costauds. Souvent, ils cultivent cette force et ces montagnes de muscles : Julien pratique la boxe avec les autres apprentis, et la gymnastique chez ses parents, le père de La grande patience est un ancien du bataillon de Joinville, L’hercule sur la place est un lutteur, Gilbert dans L’Ouvrier de la nuit fait partie des sauveteurs du Rhône, Philibert Merlin dans Pirates du Rhône est décrit comme un géant. Ils sont toujours prêts à affronter physiquement un adversaire qui leur manque de respect. Comme Charles-Louis Philippe, autre écrivain du peuple, qui avait la nostalgie de la force physique, j’admire et valorise la force musculaire. Je suis fasciné par la  force physique de certains, par le courage de se battre, à mains nues, dans la bagarre.

La guerre

39, déclaration de la guerre, c’est fou ce qu’on peut être bête à seize ans, je rêvais de la faire, mon chef avait été mobilisé, j’étais jaloux. C’est difficile à croire, mais je l’ai observé et lu pour toutes les guerres, au début, c’est une aventure qui déchire le quotidien, enfin du changement, du frisson, de l’action et tous les jeunes en rêvent. La fin de mon apprentissage aussi, enfin avec mon CAP, je rentre à la maison.

 Mon père me trouve un emploi à Lons-Le-Saulnier. Commence alors une période très dispersée pour moi, je travaillais toujours, mais je changeais constamment d’emploi, de lieu, pâtissier à Lons, à Lyon, vendangeur à Gevingey, tailleur de vigne, débardeur, ouvrier sur la lunette… j’ai fait cent métiers, j’avais la bougeotte, et une telle soif de découvertes. Au milieu de cette vie de bohème, je peignais et essayais de vendre des toiles, je me rapprochais aussi petit à petit des résistants, mais je m’éloignais toujours plus de mes parents.

En 42, je m’engage comme volontaire à Port-Vendres, puis en 43, je suis au maquis dans le Cantal, j’ai raconté ces aventures dans Le Cœur des vivants, la découverte de l’amitié et de l’amour avec Sylvie. La vie nous sépare bêtement, mais je ne l’ai jamais oubliée, on n’oublie jamais son premier amour. Un jour, je venais d’avoir le Goncourt, le téléphone a sonné, c’était elle, mais on ne refait rien.

En tout cas, en 45, je suis dans le maquis du Jura, puis intégré dans l’armée régulière.

J’ai donc fini par la faire cette guerre, mais ce que j’ai vu au maquis me marquera pour toujours et m’en dégoutera à jamais. J’ai raconté dans L’Espagnol la scène de torture d’un manchot qui pleurait, se pissait dessus, suppliait et tous les héros qui s’acharnaient sur lui, comme des lâches. Et les tortionnaires qui riaient étaient justement les maquisards, les défenseurs de la liberté.

Dans Ecrits sur la neige, j’y reviens encore : « Mais de ces heure où l’on torturait un homme, il m’est resté dans la gorge un fiel dont rien n’atténuera l’amertume.»[2] Toute ma vie, la question de la guerre m’a hanté. Je vous ai dit comme j’admirais les héros, les aventuriers, comme leurs combats me faisaient rêver. Comme j’avais été si fasciné, puis si dégoûté de la guerre, j’ai d’abord beaucoup lu, Giono, Refus d’obéissance, Dorgelès, Croix de bois, Gandhi, Cesbron, Ce que je crois, et peu à peu, je suis devenu un pacifiste convaincu et désormais, je sais que les vrais héros ne sont pas ceux qui s’avancent en groupes, armés et tuent en aveugle, mais les hommes seuls, désarmés devant les jurés des tribunaux, ceux qui refusent, les objecteurs de conscience, les insoumis, voilà qui sont mes héros.

Amoureux d’un fleuve

Juste après la guerre, je perds mes parents, d’abord ma mère en 45, puis mon père en 48. On peut dire que ces événements marquent la fin de ma jeunesse. Je sais que mes parents sont partis inquiets pour moi et déçus. Pour mon père, la peinture est un métier de raté. Et ma mère qui m’admirait et me soutenait ne m’a jamais vu vendre une toile. Je leur ai écrit des livres tombeaux quand j’ai compris, mais un peu tard, tout ce qu’ils m’avaient donné : Celui qui voulait voir la mer, Les fruits de l’hiver et bien plus tard Les petits bonheurs, mais j’ai passé tant d’énergie à les fuir qu’une immense culpabilité me tenaille et chaque fois que je réussis quelque chose, j’aimerais qu’ils soient là, qu’ils soient fiers de moi.

 En 45, je m’installe à Vernaison, avec ma jeune femme Andrée, un village au bord du Rhône, au sud de Lyon. J’avais eu le coup de foudre pour ce fleuve à la Guillotière, à Lyon, quand j’allais chez ma tante et, plus tard, quand j’étais pâtissier au Prince d’Orange. A l’époque, il était encore fougueux, libre, un fleuve de montagne, de fonte de neiges et les mariniers, les pécheurs en vivaient, les jouteurs, les nageurs s’y affrontaient, tout un univers de l’eau qui m’a séduit. A Vernaison, j’allais le voir tous les jours, je le peignais, je fréquentais ces hommes du fleuve, je faisais partie d’un groupe de sauveteurs, j’étais fou d’amour. J’ai toujours eu des passions dévorantes, la peinture, le Jura, la guerre, le fleuve, plus tard, le grand Nord, c’est comme ça, je fonctionne par grandes brassées de passion, par vagues d’amour.

Je suis aussi un jeune mari, puis un jeune père de trois enfants qui me viennent coup sur coup, pas de contraception à l’époque, ça peut paraître bizarre pour les jeunes d’aujourd’hui, mais les enfants venaient et on les accueillait. Mais que de travail et de peine pour nourrir une famille et rester un artiste ! Je trouvais le moyen d’acheter des toiles mais je n’en vendais aucune, alors, encore et toujours, j’avais plusieurs métiers alimentaires, employé aux écritures à la Sécurité Sociale puis rédacteur juridique et, en même temps, je cultivais un très grand jardin. C’est une période de ma vie que j’ai racontée dans L’ouvrier de la nuit, une période sombre, je peignais le fleuve mais mon sujet me dépassait, me terrifiait, je ne le dominais pas. Je n’y arrivais pas.

C’est là que j’ai eu l’idée d’essayer de l’écrire. J’ai eu l’idée d’un roman dont il serait le personnage. J’ai noirci des centaines de pages, travaillé des nuits entières, détruit et jeté, je ne prenais jamais de vacances, je faisais mes gammes, ces pages deviendront, mais plus tard, mon roman Vorgine, appelé Pirates du Rhône et L’ouvrier de la nuit.

L’ouvrier de la nuit

Le premier texte que je publie est une nouvelle Le Noël de Rapin qui sort dans Le Progrès en 54; c’était un miracle pour moi, le manuscrit L’ouvrier de la nuit venait d’être refusé par tous les éditeurs. Je ne suis pas de ceux qui ont connu un succès immédiat, loin de là. Il y a eu des rages, des déceptions, des colères et puis, petit à petit, grâce aux libraires et aux lecteurs, et surtout pas du fait des critiques, le succès est venu.

J’aurais pu arrêter cent fois mais, ce qui fait un écrivain, je l’avais, j’avais des histoires à raconter, des sujets, des personnages à faire vivre et un monde à porter au jour. J’avais le monde de mes parents, des petites gens, du peuple jurassien. Donc, je continuais.

Une autre marche importante fut le prix des lecteurs de Résonances pour ma nouvelle La cane en février 56. Résonances était une revue lyonnaise dirigée par Régis Neyret qui réunissait Jean Reverzy, Gabriel Chevallier, Joseph Jolinon, André Maurois, ils se retrouvaient tous les vendredis soir chez Morateur et ce fut la fin de ma solitude. Jolinon m’a dit : « Mon petit, quand j’ai lu votre nouvelle, au bout de deux pages, j’ai dit ce gars-là est écrivain. »

J’ai travaillé dans une telle solitude de 45 à 54, que de trouver des hommes qui me reconnaissaient comme un des leurs, à qui je pouvais parler d’écriture, a été un bonheur complet. C’est à eux que je dois d’avoir continué puis à Armand Lanoux et bien-sûr après, à mon éditeur, Julliard. Il a d’abord refusé Vorgine, mais il m’a dit, je le publierai si vous en écrivez un autre. Il voulait voir si j’avais du coffre. C’est ainsi que j’ai écrit L’ouvrier de la nuit pour raconter ça et qu’il me l’a publié en 57.

Ce livre avait pour sous-titre ou le malheur d’être écrivain ; on y a vu une autobiographie. Je vais donc expliquer pour celui-là et pour tous les autres ; ce n’est pas parce qu’un livre est écrit à la première personne qu’il est à cent pour cent autobiographique, j’ai inventé le concept d’autofiction bien avant les intellectuels, ce concept est juste, l’écrivain, tout en prenant le matériau de sa propre vie, déforme, arrange, réorganise, amplifie.

Puis, je suis devenu relieur et enfin, en 58, journaliste au journal Le Progrès, mais ne croyez pas que j’étais un grand reporter ou une belle plume, j’étais seulement correcteur, c’est-à-dire que je corrige les articles des correspondants, je travaille de nuit de 20h à 4 h, je dors quelques heures, et le jour, j’écris.

 A cette époque-là, j’écrivais une pièce radiophonique de 20 minutes par an, un roman chaque année, une adaptation radiophonique chaque année aussi, je travaillais dix heures par jour, jusqu’en 64, et j’étais mort de fatigue. Mais en 64, je pouvais dire comme en 39, j’ai fini mon apprentissage, je suis écrivain. D’autant plus que, comme c’était Jean Reverzy, mon ami écrivain et médecin qui me soignait, un jour, il était effrayé de mon état, et il m’a envoyé consulter un psychiatre, le psychiatre a averti mon éditeur qui a décidé de m’assurer une mensualité. A partir de 64, j’ai vécu de ma plume et jusqu’à ma mort.

Mais j’étais passé près du gouffre, combien de fois, en rentrant à quatre heures du matin, passant sur le pont de la Guillotière, pour aller me coucher alors que j’aurais voulu écrire, je me demandais si ça en valait le coup, s’il ne valait pas mieux tout arrêter, mais il restait toujours au fond de moi, venue des miens, l’inextinguible force des humbles.

Malataverne, le roman de la délinquance

Avant de vous emmener à Paris, je voudrais vous parler de Malataverne, un de mes romans les plus étudiés par les jeunes de votre âge. C’est l’histoire de trois jeunes qui, une nuit, s’apprêtent à voler une vieille femme. J’ai examiné dans ce livre les raisons qui poussent les jeunes à passer à l’acte, je parle de la solitude, de l’absence de communication, de l’indifférence des adultes, de l’envie qu’ont les jeunes d’affronter le danger, de se faire peur. Bref, il y a beaucoup de raisons et toutes les initiations sont différentes.

 En fait, cette histoire ne m’est pas arrivée à moi ni à aucun de mes enfants, mais elle est née d’un faits divers survenu dans les environs de Lons-Le-Saulnier, quand j’étais enfant. Des jeunes gens bien sous tous rapports sont allés tuer une vieille femme dans une ferme isolée. Le procès se tenait, un ami de mon père étant juré venait tous les soirs nous parler de l‘affaire, ça m’a beaucoup marqué. Ce qui m’était resté, c’est qu’il y a peu de différence entre les braves gens et les criminels, la frontière est ténue, les circonstances peuvent faire d’un honnête homme un criminel. Et les héros peuvent être des tortionnaires, comme au maquis. C’est pour ça que je suis farouchement opposé à la peine de mort, toujours, sans exception.

Alors, on m’a beaucoup reproché ma position, comme si j’excusais le crime en le racontant, en l’expliquant. C’est mal comprendre le rôle du romancier, l’auteur ne juge pas, c’est à la société de juger, c’est pour ça que j’arrête le roman avant le procès. Mais je sais que dans beaucoup d’écoles, on fait jouer aux élèves le procès, on donne la parole aux jurés, aux accusés et on prononce une sentence, pourquoi pas, si je peux faire réfléchir, j’ai fait mon travail, je n’en demande pas plus.

 

 

A nous deux Paris !

 

Avec ma mensualité, je suis le roi du monde, plus besoin de travailler au Progrès, je décide de m’installer près de Paris, à Chelles en 64. Vous remarquerez que je ne m’installe pas au centre, en ville, j’ai toujours besoin de voir le ciel, les champs, un bout de forêt. «  J’ai besoin pour  vivre  de terre nue et  de ciel sans fumée, même si je ne les regarde pas. »[3]Mais je suis à portée de voix de Paris, de mes éditeurs, des critiques.

Certains m’ont accusé de trahison, j’allais perdre mes terres d’inspiration, mes valeurs, mon âme et mon écriture dans les brumes et les salons parisiens. C’est une courte vue. J’emmenais avec moi mon territoire, mes personnages. Et puis, il faut le reconnaître, quand j’étais à Lyon, mes livres sortaient dans l’indifférence totale, pas un article, rien. Ils n’étaient pourtant pas plus mauvais que ceux des autres. J’ai pourtant eu le Prix Populiste pour La maison des autres, ce qui a amené des écrivains à me lire, mais n’a pas changé grand-chose dans la presse. Dès que j’ai été à Paris, je suis devenu visible.

Et vous remarquerez que toute le temps que j’ai vécu en région parisienne, j’ai écrit sur d’autres paysages. Le cœur des vivants, l’histoire de ma vie dans le sud et de l’amour de Sylvie parait en 64 et en 65 Qui m’emporte, une histoire de Lyonnais bientôt adaptée au cinéma, sous le nom de Le tonnerre de Dieu.

A ce propos, quand on m’a dit que mon roman allait être adapté au cinéma, j’étais fou de joie, mais quand j’ai vu ce qu’on en a fait, j’étais fou de rage. On avait assassiné mes personnages et le pire, dans une autre adaptation, c’est Fernandel avec son accent du sud qui jouait un paysan jurassien dans Le voyage du père, c’était un massacre ! On devrait laisser les auteurs participer au scénario, et au tournage.

Heureusement qu’il y a eu l’adaptation pour la télévision de L’Espagnol en 67 pour me réconcilier avec le cinéma et c’est aussi ce film qui m’a ouvert le chemin vers le grand public. J’avais publié le roman en 58, il racontait comment un réfugié républicain espagnol arrive comme ouvrier agricole dans le Jura et entre au maquis. C’est là qu’il est confronté à l’épisode de la torture mais qu’il trouve aussi la réconciliation avec lui-même et la paix dans la nature et la terre. Jean Prat en a fait un chef d’œuvre. Mais j’ai pu participer au scénario, au tournage, retravailler les dialogues avec l’acteur, magnifique ! « L’espagnol, c’est une réussite ! »[4]

Malheureusement, la sortie a été endeuillée par le suicide de l’acteur Jean-Claude Rolland. Certains ont dit que le film l’avait traumatisé, qu’il était devenu l’Espagnol, qui s’est pendu à la fin, oui et non. Mais je voudrais en profiter pour expliquer ce qu’on appelle la double vue ou la capacité de vision de l’écrivain ; ça m’est arrivé plusieurs fois d’écrire des événements, de faire vivre à mes personnages des faits qui allaient se produire ensuite pour les hommes et les femmes en chair et en os qui m’avaient inspiré ces êtres de fiction. Pour le personnage de L’Hercule sur la place, pour celui du Voyage du père, pour l’explosion de la mine dans L’Or de la terre. Je pense que cela s’explique facilement. L’écrivain passe tant d’heures en compagnie d’un personnage, à le fouiller, le disséquer, l’analyser qu’il arrive à le connaître parfois mieux que ne se connait la personne qui a inspiré le personnage et qu’il fait advenir, par l’imagination, et dans son écriture, une des potentialités contenue dans cette personne et qu’elle ignorait.

 

 

 

Le Goncourt pour un outsider

 

En 67, je publie mon premier texte pour la jeunesse, L’arbre qui chante. Je découvre là un univers d’écriture que je ne finirai plus d’explorer. J’ai attendu longtemps parce que je n’osais pas écrire pour les jeunes, je croyais qu’il fallait une écriture spéciale, des codes, des structures adaptées, et c’était une erreur, la plupart des grands textes que les jeunes lisent et que moi j’ai adoré dans ma jeunesse n’ont pas été écrits spécialement pour eux : Le petit chose d’Alphonse Daudet, Croc Blanc de Jack London, Les grandes espérances de Dickens, Les Misérables de Victor Hugo. Quand j’ai compris ça, je me suis lancé et je ne me suis plus posé de questions sur l’âge de mes lecteurs. Quand j’ai écrit La louve du Noirmont, ou Akita, par exemple. Mais même s’il n’y a pas de style particulier pour les jeunes, il y a quand même une règle, c’est la simplicité et la clarté, « Ecrire avec des mots simples en phases courtes et bien faites ». Et c’est ainsi que j’ai écrit avec le même plaisir une cinquantaine de textes pour la jeunesse, des récits, des contes, des légendes parce que je respecte l’enfant, sa pureté et sa vie.

68, ma carrière explose, c’est fou, comme souvent, tout arrive en même temps. Je suis en tournage pour La maison des autres, j’ai obtenu le prix Jean Macé pour Victoire au Mans. Dans ce roman, j’explore et je raconte, comme à mon habitude, un métier de l’intérieur, celui de coureur automobile. Ce livre par exemple a été aussi bien classé en secteur jeunesse qu’en secteur adulte. Ensuite, j’obtiens le grand prix de la ville de Paris pour l’ensemble de mon œuvre. On a dit que c’était pour ne pas me donner le Goncourt, que celui qui avait ce prix ne pouvait pas avoir le Goncourt. Moi, j’étais très loin de tous ces débats, j’étais sur un tournage, je m’interdisais de penser à ces tractations, d’autant plus que mon éditeur ne l’avait jamais eu et n’y croyait pas non plus.

Bref, c’est à la surprise générale, l’attribution du Prix Goncourt pour Les fruits de l’hiver en 68, contre l’avis de Nourissier et d’Aragon qui déclenche le scandale et la colère du monde des lettres parisien. Alain Bosquet, dans Combat le 19 novembre 1968, écrit à propos de ce texte:« Tissu de sottises et de mièvreries honnêtement agencées ; Margot et Paris-Jour verseront les larmes qui conviennent…. Guimauve et œillères, tel est ce Goncourt. Les chaumières chez nous auront une bûche de plus à brûler. » Et dans un autre article du 24 décembre, il revient à la charge : « Bernard Clavel écrit épais, sale, efficace : sabots, pioches et marteaux. » Vous voyez, c’est mon lectorat qui est attaqué autant que moi, un lectorat populaire, méprisable parce que féminin et lecteur de magazines, qu’il résume en deux termes « Margot et Paris-jour». Il s’en prend aussi au thème traité, à savoir le travail « sabots, pioches  et marteaux.» Comme si ces thèmes étaient trop triviaux et indignes d’un Goncourt et enfin à l’écriture « efficace », c’est-à-dire transparente, comprise de tous, non obscure, non nombriliste, comme la mode le voulait à l’époque.

Je n’ai pas été dupe,  depuis longtemps j’avais compris  qu’ « On ne couronne ni des livres, ni des écrivains. On couronne une maison d’édition, ou un journal. Plus exactement, on paye avec cela un service rendu ou à venir, c’est effroyablement sordide.»[5]

 

On assiste à un nouveau scandale et de nouvelles fulminations lors de mon élection à l’Académie Goncourt au siège de Giono, l’auteur que j’aime tant. Il faut attendre Le seigneur du fleuve pour que le même Alain Bosquet, dans Combat du 10 février 72 écrive : «J’ai aimé son dernier roman.»

C’est là que j’ai compris que je n’étais pas et ne serais jamais des leurs. Et j’ai compris aussi comment fonctionne l’institution. Tant que j’ai dîné avec eux, parlé avec eux, jugé les autres avec eux, j’étais un grand. Quand j’ai démissionné de l’académie Goncourt, parce que je n’arrivais plus à tout lire, et que j’étais très mal à l’aise pour juger les autres, et quand j’ai disparu de Paris et même du pays, je suis redevenu mauvais à leurs yeux et j’ai disparu des écrans de la critique parisienne. C’est terrible, je n’aurais jamais dû m’attarder à ces mondanités, croyez-moi, la place d’un écrivain est à sa table d’écriture.


 

Retour impossible

 

 

Après le Goncourt, après l’écriture du Massacre des innocents, un livre sur les horreurs de la guerre qu’on inflige aux enfants, un livre de colère à mon retour du Bengale,  voyage qui m’a bien éprouvé, (d’ailleurs, il ne faut jamais écrire un livre sur le coup de la colère, il faut attendre qu’elle retombe) j’ai besoin de me ressourcer. Bref, je vais chez un ami journaliste, Mandillon, qui habite près de Villers-Robert, le village de Marcel Aymé. Je me promenais dans la campagne tout le temps et j’avais l’impression que je croisais dans les petits chemins ses personnages. « En haut de la montagne rouge, j’ai rencontré Déodat en avance sur sa tournée. Nous avons pissé tous les deux dans la haie vive. (…)J’ai très nettement entendu sauter les crayons dans le plumier du petit Marcel dévalant le sentier.»[6]

Et c’est là que ça m’a pris, j’ai eu envie de revenir vivre au pays, une grande fatigue soudaine, un écœurement de la vie parisienne, l’envie d’être au calme, je ne sais pas exactement, mais avec mon ami, on a cherché une maison à Dole, puis sur les coteaux. Enfin, je trouve ce qu’il me faut, j’achète une magnifique demeure, la Maison des abbesses à Château-Châlon, une vue somptueuse sur les collines du Revermont, la vallée de la Seille, la plaine de Bresse au loin. J’ai tout, le succès, l’argent, une belle maison, du temps pour écrire et bien croyez-moi, c’est fou ce qu’on peut se tromper, j’étais vieux avant l’heure, je me mettais en retraite, j’étais mal dans ma peau, je trouvais la maison bruyante, je ne supportais pas les chiens de mes voisins. Il me manquait peut-être l’essentiel, mais n’anticipons pas !

 

De toute façon, ma vie n’a pas changé, je me lève tous les jours à quatre heures et j’écris tous les jours de cinq heures à treize heures. C’est ce qui explique ma production continue et régulière. On m’a souvent demandé comment je faisais, c’est tout simplement parce que je n’arrête pas d’écrire. « Une moyenne de cinq pages par jour. Je crois de plus en plus qu’il faut se contraindre à écrire chaque jour. Il faut s’asseoir devant sa page et empoigner sa plume. Il n’y a ni fatigue, ni in disposition qui comptent, il faut écrire. Une page au moins,  même mauvaise, même à reprendre, même à détruire, mais il y a une cadence à prendre. »[7]J’ai publié Le Seigneur du fleuve en 72, j’ai écrit Tiennot que je publierai bien plus tard puis Le silence des armes en 74 et Lettre à un képi blanc en 75.

Ce sont des livres qui répondent à la question de l’écrivain engagé. Je ne suis pas engagé politiquement dans un parti, je suis seulement pacifiste, je pense que c’est dès qu’on est embrigadé dans un parti, un groupe, une idéologie qu’on oublie de penser par soi-même et qu’on devient aveugle et manipulable. Mon combat contre la guerre a été mené surtout aux côtés des objecteurs de conscience, les jeunes qui refusaient de faire leur service militaire. Aujourd’hui que ce dernier est supprimé, c’est difficile de se rendre compte de l’importance que ça avait alors pour des générations entières de jeunes de votre âge. Tous les jeunes de dix-huit ans devaient partir apprendre le maniement des armes ; tous, sauf ceux qui avaient un problème de santé. Donc, tous les jeunes, avant dix-huit ans, devaient se poser la question, est-ce que j’y vais ou pas ? Et rendez-vous compte, vous qui vivez dans un monde en paix depuis plus d’un demi-siècle que les guerres se sont succédé sans interruption depuis 1939, jusqu’en 62, seconde guerre mondiale, guerre d’Indochine, guerre d’Algérie, ceux qui ne voulaient pas tuer étaient mis en prison. Et on s’est battus des années avec mon ami Louis Lecoin pour que soit créé le statut d’objecteur de conscience qui leur permettait de faire un service civil plus long certes, mais sans armes. Ce fut un très long combat mais j’en suis fier. André Gide disait : « Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis. »

 

Une autre bagarre dont je suis fier est la réhabilitation de Deveaux, un jeune lyonnais condamné à tort à vingt ans de prison en 61 pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Pourquoi ? Parce qu’il est apprenti boucher, entêté, qu’il ne pleure pas devant le sang et parce qu’il n’a même pas le certificat d’études, dira le président du tribunal, Combas, un comble ! Alors, devant cette injustice de classe, je m’insurge, de toutes mes forces. Avec le Père Boyer, je n’ai cessé d’alerter, d’écrire, par exemple une préface au livre l’Affaire Devaux dans Edition spéciale en 69, et enfin, Deveaux, grâce à nous, sortira de prison, réhabilité. Vous avez peut-être appris comment Voltaire a lutté pour faire réhabiliter le protestant Callas, et comment Zola a défendu Dreyfus. Comme eux, en suivant leur immense exemple, nous avons sauvé l’honneur d’un innocent.

 

Mais, mon combat politique est surtout dans mon écriture. J’écris des romans où des personnages travaillent, et se battent juste pour gagner leur vie et vivre. Tous mes personnages ont un métier, et le plus souvent un métier manuel, qu’ils pratiquent avec amour, Le père Dubois est boulanger, dans La grande patience, le passeur de Pirates du Rhône est amoureux de son fleuve, on a l’infirmier du Tambour du bief, le cultivateur du silence des armes, des vignerons dans l’Espagnol des pâtissiers dans La maison des autres, un apprenti plombier dans Malataverne, ou bien, vous trouverez des intellectuels fascinés par le travail de la terre, comme L’espagnol qui apprend le travail de la vigne, et le peintre Gilbert dans Pirates du Rhône initié à la pèche par des braconniers. C’est le contraire de bien des romans de mon époque où l’on ne voit jamais personne, un outil à la main, ou dans une usine, un champ ou un bureau. Voilà mon engagement, décrire un monde qui ressemble à celui de mes lecteurs, faire accéder les petites gens au statut de personnages littéraires.


 

Les colonnes du ciel

 

 

En 75, je quitte une deuxième fois le Jura, je n’y suis plus bien, j’achète une belle demeure dans l’Yonne, à Villeneuve sur Yonne, la maison de Natanson, qui a été le directeur de la Revue Blanche, une maison de créateur et d’artistes. J’ai sous les yeux la plaine mais,  peu importe, j’emporte dans mes bagages du travail pour longtemps, le plan de La saison des loups, le premier tome d’une saga de cinq volumes, Les colonnes du ciel. A l’époque, je ne sais pas qu’il y aura cinq volumes.

 

C’est une histoire dont je connais exactement la date de naissance et de gestation. Je la commence en 75 et elle m’a été donnée au cours de l’hiver 62 63, à Salins-Les Bains, une petite ville du Jura. Je m’y étais rendu pour un reportage, je dormais à l’hôtel, une chambre glaciale, et j’ai lu quelques lignes d’un bulletin que m’avait prêté un maçon passionné de l’histoire de sa ville. Vous voyez que là-encore ce n’était pas un intellectuel. Dans ce bulletin, on évoquait la peste de 1639, l’invasion française, les loges de la Beline au-dessus de la ville où l’on isolait les malades. Et là, c’est difficile à expliquer, mais j’ai été transporté à cette époque et j’ai vu Mathieu et les pestiférés. Et avec eux, j’ai rencontré Bisontin-la Vertu, le compagnon.

 

Et quand, j’ai fini le premier tome, je n’ai plus pu quitter Bisontin-la-vertu, et sa bande de réfugiés qui partaient vers la Suisse et je les ai suivis sur le chemin de l’exil et ainsi, jusqu’au dernier tome. J’ai été littéralement appelé par ces personnages, ce fut vraiment une expérience de possession, de dédoublement de personnalité. Et c’est là que le romancier doit être solide, il vit dans deux mondes parallèles, il pourrait devenir fou, Giono l’a bien raconté dans l’Iris de Suse, où il montre où apparaissent et sont placés dans son bureau, les êtres, esprits, fantômes, comment nommer ces ombres, qu’il va ensuite glisser dans ces pages. L’écriture sous hypnose, comme la nôtre, est épuisante, on écrit avec son sang, ses tripes, autant qu’avec sa tête, on est le personnage, il est entré en nous, a pris possession de nous, on souffre avec lui, on sue, c’est physique ! Mon ami Jean Reverzy disait : « L’écriture est une autodestruction.»  On ne joue pas avec elle,  on se bat, il faut toujours aller chercher au fond de soi le prochain livre, creuser encore plus profond, se manger le cœur. Et puis, on se bat  aussi avec les mots, il faut être humble devant les mots,  en apprendre sans cesse de nouveaux, moi, mes livres de chevet sont les dictionnaires. Et si j’hésite entre deux mots, je choisis toujours le plus simple.

 

Mes personnages sont sortis de l’hiver 1639 et de ma tête, mais les lieux sont justes, je me suis appuyé sur eux, on peut suivre sur une carte ou à pied l’itinéraire des fuyards par la Combe des Cives, Chaux Neuve, Chapelle des bois, Morez, Les Rousses, Saint-Cergue puis Arzier et Morges. On croise furtivement des figures historiques comme le héros franc-comtois Lacuzon, mais les autres, pour moi, sont modernes, ou disons, de toutes les époques. Quand j’ai vu les guerres au Bengale, ou quand on voit à la télévision des images de guerre d’aujourd’hui, en Afrique par exemple, on constate que, malheureusement, les atrocités sont encore d’actualité et, quelque part dans le monde, aujourd’hui encore, des milliers d’hommes cherchent à les fuir, en partant en bandes vers des camps de réfugiés ou des terres plus calmes.


 

Grands espaces d’écriture

 

Même si j’écris avec joie et acharnement les Colonnes du ciel à Villeneuve sur Yonne, entouré de mes enfants et petits-enfants, que je deviens une sorte de patriarche hugolien, encore un début de retraite, on dirait que je n’arrête pas de chercher des retraites, c’est bien la preuve que je ne suis pas serein,  je me sens vieux, il me manque quelque chose, que je ne sais pas nommer, peut-être tout simplement, le bonheur. Et quand j’ai rencontré Josette Pratte en 77, puis que je suis parti au Québec à l’hiver 78, j’ai su qu’il m’était donné un deuxième souffle.

Pas seulement l’amour d’une femme jeune et écrivain comme moi, c’est-à-dire le parfait compagnon de travail, qui me comprend, me rassure, me corrige et surtout m’encourage, « Seul un créateur peut en comprendre un autre. Et encore faut-il que ce soit un véritable artiste qui sache ce que c’est vivre pour  son art. »[8] Mais je découvre avec elle  un nouveau continent, donc, et comme vous l’aurez compris, de nouvelles terres d’inspiration. Et pour moi, l’expression Nouveau Monde prenait sa pleine signification. J’avais arpenté les montagnes du Jura, descendu et remonté le Rhône, raconté plusieurs guerres, parcouru trois siècles d’Histoire, je commençais à manquer d’espace, de souffle, de terres vierges. « Voilà que je respirais un vent qui faisait couler en moi la passion de l’immensité. J’apprenais l’ivresse des terres dont rien ne semble devoir marquer les limites. » Et pas seulement l’immensité mais aussi l’hiver, la rudesse des hommes pionniers ou descendants de pionniers, des trappeurs, la rusticité des maisons en bois que le vent traverse, comme celle de Saint-Telesphore où j’ai passé un hiver. C’était le Jura à l’échelle d’un continent. Je découvrais les courses en chiens de traineaux, qui seront plus tard à la mode dans le Jura, grâce à mon ami Paul-Emile Victor.

Bien-sûr, il fallait rompre les amarres, faire souffrir ceux qu’on quitte, bien-sûr, il y a toujours un prix à payer. Mais après des années de lutte, de presque folie, c’est cette expérience qui m’a renforcé et donné la conviction qu’« il y a pour l’artiste un droit absolu d’adhérer de plus près à son œuvre qu’à ceux qui l’entourent.» Et je savais désormais, que j’écrirais toute ma vie, que je préférerais mourir plutôt que cesser d’écrire. Alors tout est devenu simple et clair.

Là-bas, j’arpente le pays, la ville de Québec, les rives du Saint-Laurent, les glaces qui le figent plusieurs mois. Quand j’ai vu ce fleuve, j’ai pensé au Rhône, à mon coup de foudre pour le Rhône et je peux dire que le Québec a été le deuxième grand amour de ma vie.

J’ai écrit le Canada, d’abord deux petites histoires pour le frôler, m’en approcher, le comprendre, L’Iroquoise et la Bourrelle. Et après, j’étais prêt pour y faire venir Bisontin-La-Vertu. Dans le quatrième tome, il était revenu au pays, comme moi. Mais, ma vie et mon écriture n’ont jamais aimé la paix et le repos, il s’ennuyait dans la combe, l’envie de voyage lui revenait, le rêve du nouveau monde. Alors, j’ai commencé, sans l’avoir projeté au départ, le cinquième tome des colonnes du ciel. Bisontin avait la force de me suivre jusque là-bas, de quitter Marie Bon Pain et d’emmener avec lui une jeune femme. Oui, vous me direz qu’il a fait comme moi, mais je vous ai déjà expliqué ce mélange entre ma vie et mes romans.

 

 


 

Territoires d’errance

 

Après plusieurs années au Québec, j’ai envie de rentrer, et là, commence alors encore une autre vie, celle des déménagements, des départs, j’ai vécu au Portugal, en Suisse, en Irlande, dans le Haut Doubs, on me dit que j’ai déménagé plus de quarante fois, c’est peut-être vrai, je ne compte plus. Ce que je sais, c’est que, à la fois je suis heureux avec Josette, j’écris, toujours autant, dix ans de préparation et d’écriture pour Le royaume du Nord, je vends bien, je suis invité partout et une sorte de fièvre me prend environ tous les deux ans. Ce qui compte pour moi, c’est l’ivresse du départ, se débarrasser des vieilles toiles, oui, je peins toujours, pour moi, des dessins et des aquarelles médiocres, jeter les vieux papiers, la documentation qui s’accumule et partir vers une nouvelle aventure de vie et d’écriture. Et le miracle, c’est que ma femme accepte de me suivre et qu’elle est toujours là à mes côtés.

Certains me disent que je cherche de nouveaux territoires d’inspiration, c’est plus compliqué, c’est vrai que les lieux inspirent, évoquent, ils ont une force tellurique, une puissance romanesque, en tout cas pour moi, mais c’est souvent en décalé. Dans le Jura, j’ai écrit Le seigneur du fleuve, donc un livre sur le Rhône, dans l’Yonne, j’ai écrit sur le Jura, ma série Les colonnes du ciel et c’est en Suisse, à Morges que j’ai commencé à écrire sur le Québec que j’avais quitté. Il faut parfois partir, laisser reposer et c’est seulement une fois loin, que les lieux connus prennent leur puissance fantasmagorique.

Donc, à partir du Québec, c’est difficile de me suivre,  pourtant il y a des constantes, je loue ou j’achète une maison au calme, dans la campagne, dans un paysage de caractère, je l’arrange moi-même, je fabrique des étagères, et des bibliothèques pour nos livres et ensuite, avec Josette, nous reprenons chacun dans une pièce, nos univers de création.


 

Guerre et paix

 

Depuis quelques années, je suis revenu dans le Revermont, à Courmangoux, une maison qui domine la plaine, comme dirait le Don Quichotte de Brel, j’écris, je ne réponds plus aux invitations, je ne me rends plus à Paris, je ne réponds pas non plus au courrier, je ne peux pas, je n’ai pas le temps. Toute mon énergie est tournée vers l’accomplissement de mon œuvre. L’angoisse de la mort se traduit chez moi par un surcroit de travail, la seule échappatoire, le divertissement au sens pascalien, travailler, pour ne pas penser à la mort

Dans ces années-là, ce qui est assez étonnant chez moi, c’est que, pour un pacifiste, j’écris sans cesse des livres de guerre. Je vous ai dit que j’avais toujours été fasciné par la force physique, mais je suis obligé de reconnaitre que la violence est aussi chez moi un puissant motif d’imaginaire, elle est romanesque, elle déclenche des catastrophes, elle révèle des personnages, les met à nu, face à eux-mêmes. J’ai écrit La table du Roi sur le retour de Napoléon, La retraite aux flambeaux sur la guerre de 40, Le soleil des morts, la trajectoire d’un soldat, Les roses de Verdun, l’histoire de Martinon dont le fils est mort à la guerre, La révolte à deux sous sur les émeutes de Lyon.

Et pour être honnête, nombreux sont aussi mes livres qui traitent d’un meurtre, d’un assassinat, Meurtre sur le Grandvaux, l’histoire d’un roulier qui ira jusqu’au crime pour faire respecter ses valeurs, La guinguette, l’histoire une femme que l’assassinat de son fils va transformer en tigresse.

Même à l’intérieur de mes romans, on retrouve cette hésitation entre guerre et paix, et les critiques me disent que j’ai deux types de héros assez différents. Certains héros ont la carrure, le nom et l’aura du héros populaire : force physique, puissance quasi divine, prise en charge d’un destin collectif, affrontement avec Dieu, les forces de la nature, le Tonnerre, le Fleuve Rhône déifié. Mon lectorat populaire s’est d’ailleurs identifié sans problème à l’Espagnol, au Seigneur du Fleuve, au Père dans Le voyage du Père. Certaines histoires ont la simplicité et la force d’une tragédie antique, Vorgine par exemple ou Malataverne. Mais le cycle de La grande patience, est beaucoup plus autobiographique, rempli de contradictions internes qui ne se résolvent jamais, qui se noient dans une colère continue et aigre, dans une hargne de vieux, d’affrontements plus quotidiens et plus triviaux entre mari et femme, entre père et fils, entre patron et apprenti, et n’est donc pas une lecture aussi facile. Et même s’ils ne sont pas écrits à la première personne, j’aborde dans ces romans le grand thème de l’injustice sociale et ce thème me rend furieux. Je veux que mes romans portent le témoignage d’une exploitation du travailleur par le patron, d’une destruction du petit par le gros. Et donc ma production a oscillé longtemps entre les deux types de romans : le récit tragique mettant en scène un héros admirable, victime de son orgueil et de son ubris, marchant fièrement à la rencontre de son destin et le roman plus âpre, plus réaliste, plus social, du quotidien, du travail et de sa dureté. Dans ce deuxième type, le héros n’est pas bon, il n’a rien d’admirable, sa colère le rend méchant, injuste, cruel avec les siens et des innocents. Dans mes derniers romans publiés, je reviens à la première veine, c’est moins fatigant.

 

 

Conclusion

 

Et enfin, on me dit mais pourquoi est-ce que tous vos personnages meurent à la fin de vos romans ? On me l’a souvent reproché. En fait, je lutte pour les maintenir en vie le plus longtemps possible mais ce dénouement est le plus normal, le plus logique. C’est celui qui guette chacun d’entre nous.

Moi aussi, et je m’y prépare, j’ai acheté à Frontenay, un autre très joli village du Revermont avec une vue incroyable sur la plaine de Bresse, ma concession dans un cimetière, j’ai choisi son emplacement, l’ombre du grand chêne, l’orientation au soleil. Je suis prêt, j’ai juste un peu de peine de laisser ceux que j’aime mais je n’ai pas de regret.

Et je sais déjà qu’il y aura peu de monde à mon enterrement. Trop longtemps éloigné des sphères parisiennes, des mondanités, trop populaire pour être un bon romancier, trop peuple, trop vulgaire, trop riche, trop…, le succès est toujours suspect en France. Devenu, comme mes personnages, un peu bourru, sauvage, je n’ai pas, comme on dit, soigné mon réseau.

 

Je sais que l’excès qui me caractérise, fort en gueule, en bras, en livres vendus ne me fait pas forcément aimer. Mais je pars tranquille, j’ai honoré mon nom, j’ai fait vivre et accéder à la mémoire tous les miens, tout ceux dont on ne parle jamais, les humbles, les sans grades, les gens de peu, comme les appelle Pierre Sansot. J’ai passé ma vie à les fuir pour mieux les écrire, je les ai toujours retrouvés sous ma plume, vivants, intéressés, curieux, passionnés. Ils m’ont suivi, abreuvé, nourri, je leur suis infiniment reconnaissant et ils peuvent désormais être fiers de moi.

 

Et ce sera mon dernier message à vous les jeunes, construisez votre vie avec ce que vous avez, j’étais pauvre, ouvrier, sans culture, je n’avais pas fait d’études, je ne connaissais aucun intellectuel, et j’ai fait,  de ces manques,  ma force, votre trésor est entre vos mains,  ouvrez les yeux, il est là, en vous, à côté de vous, à portée de mains. « On n’a pas d’autre maître que soi et il faut que ce maître soit dur. » Votre vie, tenez-la dans le creux de votre main, ne lâchez jamais, on peut toujours s’en sortir, même si ce n’est pas forcément par le chemin qu’on avait imaginé. Ne vous laissez pas enfermer ni dominer ! N’acceptez jamais de vous ennuyer, agissez et,  si vous prenez un coup, relevez-vous !

Voter trésor  n’exige qu’une chose, des heures des heures et des années de travail, et ça vous pouvez le faire, ça ne dépend que de vous, vous ne croyez pas ?

 

Maryse Vuillermet

Septembre 2012

 

 

 Bibliographie

ROMANS


L’Ouvrier de la nuit
, Julliard, 1957
Vorgine, publié d’abord en feuilleton par Le Progrès de Lyon, 1956, puis sous le titre de Pirates du Rhône, par A. Bonne, 1957, et enfin par Robert Laffont sous le titre de Qui m’emporte en 1958.

L’Espagnol, Robert Laffont, 1959.
Malataverne, Robert Laffont, 1960.
Le Voyage du père, Robert Laffont, 1965.
L’Hercule sur la place, Robert Laffont, 1966.

LA GRANDE PATIENCE
* La Maison des autres, Robert Laffont, 1962 ;
** Celui qui voulait voir la mer, Robert Laffont, 1963 ;
*** Le Cœur des vivants, Robert Laffont, 1962 ;
**** Les Fruits de l’hiver, Robert Laffont, 1968 (prix Goncourt 1968).

L’Espion aux yeux verts, Robert Laffont, 1969.
Le Tambour du bief, Robert Laffont, 1970.
Le Seigneur du fleuve, Robert Laffont, 1972.
Le Silence des armes, Robert Laffont, 1974.
TiennotMon Village, 1977.

LES COLONNES DU CIEL
La Saison des loups, Robert Laffont, 1976 ;
** La Lumière du lac, Robert Laffont, 1977 ;
*** La Femme de guerre, Robert Laffont, 1978 ;
**** Marie Bon Pain, Robert Laffont, 1980 ;
***** Compagnons du Nouveau Monde, Robert Laffont, 1981.

L’Iroquoise, André Balland, 1979.
La Bourrelle, André Balland, 1980.
L’Homme du Labrador, André Balland, 1982.

LE ROYAUME DU NORD
* Harricana, Albin Michel, 1983 ;
** L’Or de la terre, Albin Michel, 1984 ;
*** Miséréré, Albin Michel, 1985 ;
**** Amarok, Albin Michel, 1986 ;
***** L’Angélus du soir, Albin Michel, 1988 ;
****** Maudits sauvages, Albin Michel, 1989.

Quand j’étais capitaine, Albin Michel, 1990.
Meurtre sur le Grandvaux, Albin Michel, 1991.
La Révolte à deux sous, Albin Michel, 1992.
Cargo pour l’enfer, Albin Michel, 1993.
Les Roses de Verdun, Albin Michel, 1994.
Le Carcajou, Robert Laffont, 1995.
La Guinguette, Albin Michel, 1997.
Le Soleil des morts, Albin Michel, 1998.
Les Petits Bonheurs, Albin Michel, 1999.
Le Cavalier du Baïkal, Albin Michel, 2000.
Brutus, Albin Michel, 2001.
La Retraite aux flambeaux, Albin Michel, 2002.
La Table du roi, Albin Michel, 2003.
Les Grands Malheurs, Albin Michel, 2004.
Le Chien du brigadier, Sélection du Livre, 2005.

LIVRES JEUNESSE

Albums :

L’Arbre qui chante, La Farandole, 1967.
La Maison du canard bleu, Casterman, 1972.
Le Voyage de la boule de neige, Robert Laffont, 1975.
Le Chien des Laurentides, Casterman, 1979.
Félicien le fantôme, Jean-Pierre Delarge, 1980.
Poèmes et Comptines pour apprendre les mots, L’École des Loisirs, 1981.
Le Hibou qui avait avalé la lune, Clancier-Guénaud, 1981.
Odile et le vent du large, G. P. Rouge et Or, 1981.
Rouge Pomme, L’École des Loisirs, 1982.
Le Roi des poissons, Albin Michel, 1984.
Le Mouton noir et le Loup blanc, Flammarion, 1984.
L’Oie qui avait perdu le Nord, Flammarion, 1985.
Au cochon qui danse, Flammarion, 1986.
Le Grand Voyage de Quick Beaver, Nathan, 1988.
A Kénogami, Messidor/La Farandole, 1991.
Les Portraits de Guillaume, Nathan, 1991.
Les Larmes de la forêt, Hesse, 1997.
Le Loup bavard, Hesse, 1998.
Le Commencement du monde, Albin Michel, 1999.
Achille le singe :
* L’Autobus des écoliers ;
** Le Rallye du désert ;
*** La Maison en bois de lune, Albin Michel, 1999
(L’Autobus des écoliers et Le Rallye du désert : première édition chez La Farandole, 1991).
Le Château de papier, Albin Michel, 2000.

Pour les plus grands (sans illustration) :

Victoire au Mans, Robert Laffont, 1968.
Légendes des lacs et des rivières, Hachette Jeunesse, 1974.
Légendes de la mer, Hachette Jeunesse, 1975.
Légendes des montagnes et des forêts, Hachette Jeunesse, 1975.
Contes et légendes du Léman, Hachette Jeunesse, 2004 (première édition chez Hifach, en 1988).
La Cane de Barbarie, Seuil, 1992 (première édition sous le titre La Cane chez Résonances en 1955).
Wang, chat tigre, Pocket Jeunesse, 1998.
Akita, Pocket Jeunesse, 1999 (première édition : Je Bouquine, 1996).
La Chienne Tempête, Pocket Jeunesse, 1999 (première édition : Je Bouquine, 1998).
La Louve du Noirmont, Pocket Jeunesse, 2000.
Histoires de chiens, Albin Michel, 2000.
Histoires de Noël, Albin Michel, 2001.
Histoires de la vie sauvage, Albin Michel, 2002.

Autres :
Paul Gauguin, éditions du Sud-Est, 1958.
Célébrations du bois, Robert Morel, 1962.
Léonard de Vinci, Club d’Art Bordas, 1967.
Le Massacre des innocents, Robert Laffont, 1970.
Lettre à un képi blanc, Robert Laffont, 1975.
Bonlieu ou le silence des nymphes, R.-R. Dufour, Lausanne, 1973.
Fleur de sel, Le Chêne, 1975.
L’Ami Pierre, Duculot, 1978.
Le Rhône ou les métamorphoses d’un dieu, Hachette littérature, 1979 ;
repris sous le titre de Je te cherche vieux Rhône, Actes Sud, 1979.
Arbres, Berger-Levrault, 1981.
Terres de mémoire, Jean-Pierre Delarge, 1981.
Contes espagnols, Le Choucas, 1992.
Jésus, le fils du charpentier, Robert Laffont, 1996.
Contes et légendes du Bordelais, Mollat, 1997.
L’Hiver, Nathan, 2003.
Paroles de paix, Albin Michel, 2003.

AUTOUR DE BERNARD CLAVEL

Portrait, Marie-Claire de Coninck, de Meyère.
Bernard Clavel, Michel Ragon, Seghers.
Écrits sur la neige, Bernard Clavel, propos recueillis par Maurice Chavardès, Stock, 1977.
Bernard Clavel ou la « Géographie Sentimentale », Bibliothèque cantonale et universitaire, Lausanne, 1985.
Bernard Clavel, qui êtes-vous ? Adeline Rivard, J’ai lu, 1985.
Bernard Clavel, un homme une œuvre, André Noël Boichat, Cêtre, Besançon, 1994.
Bernard Clavel, un homme en colère, Bibliothèque cantonale et universitaire, Lausanne, 2003.
L’Univers clavélien, colloque international Bernard Clavel, ARDUA, Bordeaux 2003.

Fonds Bernard Clavel-Josette Pratte : manuscrits et documents personnels de Bernard Clavel, Bibliothèque universitaire de Lausanne, http://www.unil.ch/bcu

 

 

 

 

 

 

[1] Cité par Michel Ragon dans Histoire de la littérature prolétarienne, Edition Corrigée, 1986, Albin Michel, p 160.

[2]  Ecrits sur la neige,  Entretiens avec Maurice Chavardès, Stock,  1977

[3] Journal, 11/9/63

[4] Journal 29/11/66

[5] Journal 21/11 / 64

[6] Journal 14/7/70

[7] Journal, 16/ 4/59

[8] Journal 12/12 /80