Le pays des autres, Leila Slimani, Gallimard 2020

 

Le pays des autres, Leila Slimani

Je ne sais pas si c’est parce qu’une amie m’a passé le livre par-dessus sa barrière de jardin dans un sac bien fermé qu’il a eu tout de suite un pouvoir assez hypnotique sur moi. Ou si c’est parce que Leila Slimani a été tellement attaquée pour son article malheureux sur le confinement qu’on a presqu’envie de la défendre de ce lynchage médiatique.

Certes, Leila Slimani se lance dans une saga familiale, un genre plus classique plus sage et surtout plus commercial que celui de ses romans précédents plus vénéneux, plus étranges. Mais en fait, sous la fluidité somptueuse de l’écriture se tient, tapie, malade, prête à flamber à tout moment, une fascinante violence des actes, des sentiments et des hommes.

C’est un livre de raconteuse d’histoires avec des personnages forts, comme le père Amine, écartelé entre sa culture musulmane, la pression familiale et sociale et l’amour de sa femme, Mourad, le contremaitre homosexuel refoulé et l’ancien aide de camp, amoureux de son chef, militaire obsessionnel, la mère Mathilde qui se bat et parfois est près de renoncer de s’enfuir, aucun personnage n’est simple.

L’auteure nous immerge aussi en profondeur dans le Maroc, les casbahs, les rues, les odeurs, les maisons noires de fumée, les collines arides, la poussière et la chaleur

La problématique est celle de la place ce qui ne peut que toucher les transfuges de classe que nous sommes pour beaucoup d’entre nous.  Au début du roman, le père tente une greffe sur ses arbres fruitiers, la greffe ne prend pas, le fruit est immangeable et cet échec est un peu la métaphore nourricière de ce récit, de métissage, métissage fécond mais douloureux et parfois impossible. La place des femmes dans le couple, la société, le pays, la place des Marocains dans leur pays vis-à-vis des colons, et de la France pour laquelle ils se sont battus, qu’ils aiment et détestent à la fois, et qui les a quand même, à leur corps défendant, changés.

 

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