Disparaître, Lionel Duroy, Mialet-Barrault , 2022.
Les écrivains sportifs, voyageurs, à commencer par Stevenson, Hemingway puis ceux de la beat génération Kerouac, menés aussi par l’alcool et la drogue, puis Henri Miller, Lawrence Durrel, puis Nicolas Bouvier et puis les Sylvain Tesson, Emmanuel Ruben et Lionel Duroy d’aujourd’hui me font rêver. Ils n’ont peur de rien, ils vont, à pied, à vélo, s’épuisent, rencontrent des gens passionnants, n’ont pas de souci d’argent, je les admire, comme j’ai rêvé sur Isabelle Eberhardt et Alexandra David Neil.
Moi, j’ai pris la route une seule fois seule dans ma vie et j’ai tremblé comme une feuille, d’ailleurs, j’ai rencontré une tempête de sable, je me suis fait voler mes bagages, j’ai dû retourner à Alger faire 500 km chercher un papier et enfin j’ai trouvé un abri à l’infirmerie du lycée où je devais enseigner. Donc un tout petit départ, de fonctionnaire presque, balisé de tous côtés, et je dois reconnaître que j’ai toujours trouvé des anges gardiens et des toits, je ne suis jamais restée dehors.
Mais je rêve encore, avec eux, grâce à eux, du voyage, de « l’impossible quête ».
Je leur envie aussi leur impudeur, ils racontent ce qu’ils mangent, avec qui ils couchent, le nombre de kilomètres parcourus, leurs douleurs, ils sont leurs propres héros. Et, c’est ce qui nous les rend si proches et si humains. Lionel Duroy a tout sacrifié à ses livres : ses parents, ses frères et sœurs, ses femmes, ses maîtresses, ses amis et, dans ce dernier ouvrage, même ses enfants, il s’en justifie : « Finalement, seules les œuvres d’enquêteurs obstinés de notre intimité pour ne pas dire notre folie, Ingmar Bergman, Thomas Bernard, Fritz Zorn, Saül Bellow, Rainer Maria Rilke, (et moi j’ajouterai Annie Ernaux et Johan Didion) m’auront donné la force de continuer à écrire, sans eux, je me serais peut-être résolu à garder pour moi mes secrets et à mourir d’obésité. » page 160
Ce récit Disparaître est à la fois un récit de voyage, voyage vers l’Est, un roman historique sur le siège de Stalingrad et la fin de la Roumanie communiste, une autobiographie familiale et une réflexion sur l’écriture, la mort, la façon de mourir, ce qu’on laisse. C’est un mélange très déconcertant. Les deux parties, la première sur ses enfants et la seconde, sur le voyage semblent ne pas vouloir se rejoindre et pourtant, c’est la grâce de l’écriture et la passion de l’écriture comme énergie vitale, qui unifient l’ensemble.