Article 353 du code pénal, Tanguy Viel, Editions de minuit 2017
Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police et s’explique à son juge d’instruction. Il retrace tous les événements qui l’ont amené à jeter à la mer Laznec, un promoteur escroc. Il raconte son licenciement de l’arsenal de Brest, son divorce, la garde de son fils lui-même en prison pour « une très grosse bêtise ». Il raconte comment il a investi la totalité de sa prime de licenciement dans le projet immobilier de Laznec, et comment, peu à peu, il s’est rendu compte que beaucoup dans le village, dont le maire, avaient fait la même chose et comment Laznec dépensait leur argent mais ne construisait jamais le complexe immobilier qui devait tous les rendre riches.
L’auteur réussit à nous faire entendre la voix de cette double victime, victime d’un licenciement et victime d’un escroc plus malin, plus riche et plus culotté que lui, comment devant lui, justement il n’avait pas les mots. Le monologue est hypnotisant, jamais ennuyeux, car on est constamment aux cotés de Martial, on a cru avec lui qu’il s’achèterait un beau bateau de pêche, et que son fils serait fier de lui, mais non, il s’est fait mener en bateau.
Et ce que l’auteur montre sans insister mais avec une grande finesse, c’est la désespérance de ces petites villes que le travail a déserté alors que tous, y compris le maire, votent à gauche, leur impuissance, leur honte qui les amènent à croire n’importe quel bateleur qui, au nom du progrès, du tourisme, du développement, les fait rêver à un autre avenir. Il montre aussi le délitement de la famille quand le père perd travail et honneur.
Martial à son juge et pour une fois parle, dans une logorrhée irrépressible, et parce que le juge (c’est-à-dire nous, lecteur) écoute et comprend et prendrait presque son parti.
C’est un roman dont la construction est subtile et dont le propos est sensible et intelligent.